
L’affirmation tonitruante de Donald Trump selon laquelle la consommation de paracétamol (acetaminophen pour les Anglo-Saxons) pendant la grossesse est l’une des causes de « l’épidémie » d’autisme observée aux États-Unis a de quoi faire peur.
Bien sûr, il y a la question de fond à laquelle, aujourd’hui, personne ne peut répondre de façon tranchée : la consommation de paracétamol est-elle réellement dénuée de risque pour l’enfant à naître ? Gardons-nous de balayer d’un revers de main, comme l’a fait la quasi-totalité des médias, toute possibilité d’association en mettant cela sur le compte d’une nouvelle élucubration du président Ubu. Il existe effectivement des études qui ont jeté un doute, notamment vis-à-vis de l’autisme. Une publication récente (août 2025) dans le journal BMC Environmental Health, par des auteurs a priori sérieux, n’écartait pas, sur la base de l’analyse de 46 publications précédentes, totalement cette hypothèse, tout en reconnaissant qu’en cas de besoin réel (fièvre ou douleur importante), le paracétamol reste, de loin, le médicament de choix chez la femme enceinte. D’autres publications, ont, elles, conclu à l’absence de tout risque. La seule certitude dans ce dossier est que ne pas traiter une fièvre chez la femme enceinte serait absurde du fait des risques encourus (clairement démontrés eux) et que le traitement de choix, ici, est justement… le paracétamol. C’est, sans l’ombre d’un doute, l’état des connaissances aujourd’hui, la recommandation de toutes les institutions et sociétés savantes. Et la seule branche solide à laquelle se raccrocher.
La déclaration de Donald Trump illustre surtout l’état de décomposition avancée de nos « démocraties sanitaires ». Tout d’abord, le n’importe quoi de la consommation pharmaceutique, absolument non encadrée, au mépris de la règle de base qui veut qu’un médicament ne soit pris qu’en cas de besoin avéré du fait de la possibilité d’effets indésirables pas forcément identifiés. En France, pays des records en ce domaine, on tourne aux alentours de 600 millions de boîtes de paracétamol vendues par an ! Pratiquement 10 boîtes par Français ! On touche au délire et l’on suivrait presque Donald Trump quand il recommande de ne le consommer qu’en cas de forte fièvre.
Ensuite, le fait qu’un président de la République, s’assoyant sur la communauté scientifique et sur les institutions et instituts de recherche, déclame de tels anathèmes au risque de jeter la panique chez des millions de femmes est affligeant. En France, Emmanuel Macron avait procédé de même en rendant visite (en avril 2020), au mépris des mises en garde de scientifiques connaissant le dossier, à Didier Raoult à l’IHU de Marseille. Plus récemment (en mai 2024), en affirmant dans le journal Elle que trop peu de femmes initiaient un traitement hormonal de substitution au moment de la ménopause. L’autocratie sanitaire, relayant les rumeurs, permettant à quelques lobbyistes et intérêts pas toujours clairs de contourner le filtre de l’évaluation et du bon sens est un non-sens dangereux.
Pour la santé publique, ce qui se passe aux États-Unis a au moins l’intérêt de servir de miroir grossissant, de nous mettre face à nos propres turpitudes. Espérons que le laboratoire du n’importe quoi ouvert par le mouvement MAGA, sur les vaccins notamment, finira par nous convaincre qu’il est urgent de revoir beaucoup de choses en profondeur.
Bernard Bégaud