Le Contre-salon et la politique

La table ronde avec les politiques

Tables rondes spécifiques ou non, ateliers : le Contre-salon a été l’occasion de poser la question des politiques de la vieillesse, mais aussi et surtout celle de l’action politique des vieux, et des vieilles.

Lors d’une table ronde spécifiquement politique que j’ai animée, le Contre-salon a reçu Clémentine Autain, députée La France Insoumise, Dominique Gillot, qui fut à deux reprises secrétaire d’État d’un gouvernement de gauche, Noël Mamère, qui fut député, maire de Bègles, et candidat des Verts lors de l’élection présidentielle de 2002, et Monique Pelletier, une grande dame, qui fut ministre de Valéry Giscard d’Estaing, et qui a suscité l’admiration de tous ceux qui l’ont entendue.
Et la politique n’était jamais très loin lors d’une autre table ronde réunissant Annie Ernaux, Laure Adler, Michèle Perrot, tout comme elle trouvait sa place lors d’ateliers aux publics plus restreints, mais souvent aussi plus actifs.

Être entendus, participer à la vie publique, et peser sur tout ce qui les concerne

Les vieux et les vieilles veulent être entendus, participer à la vie publique, et peser sur tout ce qui les concerne. Certes, pas tous, car tous ne peuvent et ne veulent pas nécessairement être des acteurs, et le sens de l’action, collective comme individuelle, est à géométrie variable. Mais cela existe, et était perceptible.

Certains sont mobilisés dans la vie associative ou politique locale, dont ils sont parfois les piliers indispensables ; d’autres sont bien trop dépendants pour pouvoir agir – ce qui n’interdit pas l’existence de demandes ou d’attentes. Les « seniors », comme dit une expression qui n’est pas nécessairement heureuse, ont souvent à s’occuper de parents très âgés, de leur propre couple, et à aider des enfants, et des petits-enfants. Ce sont alors des acteurs incontournables de la vie quotidienne. Les responsables politiques ne semblent pas toujours en avoir conscience.

En matière proprement politique, les uns souhaitent une ou des instances nationales reconnaissant leur existence, et leur droit à s’exprimer, sous la forme d’un conseil comparable à ce qui existe pour le handicap par exemple. D’autres prolongent cette idée en demandant surtout une institutionnalisation locale, ou départementale, une reconnaissance sous la forme de conseils comme il en existe déjà dans certaines villes.

L’action peut aussi revêtir la forme de l’exemplarité : si l’État, ou les pouvoirs publics régionaux, départementaux ou locaux, n’entendent pas certaines demandes, ou compliquent toute initiative par des réglementations qui sont autant d’obstacles vite infranchissables, et par des lourdeurs bureaucratiques, alors, pourquoi ne pas se prendre en charge soi-même, mettre en place les dispositifs que la puissance publique se refuse à créer, ou même simplement à aider ou à faciliter ? C’est ce que font en particulier des associations qui mettent en place des formules d’habitat partagé sans attendre grand-chose de l’État, ni même nécessairement des pouvoirs locaux. Ceux-ci pourtant parfois aussi interviennent, par exemple en matière foncière – en leur proposant des terrains à un coût accessible pour construire un tel habitat.

Toujours est-il qu’une idée semble pouvoir être dégagée des propositions qui proviennent des vieux et des vieilles eux-mêmes, qu’ils et elles soient ou non organisés en associations : l’idéal est quand le haut et le bas se rencontrent, quand les demandes et les initiatives qui émanent de la société s’articulent avec une puissance publique à leur écoute. Mais on est loin aujourd’hui d’une telle situation : le pouvoir actuel, malgré ses promesses, n’a à ce jour rien fait pour aller dans ce sens, et les dispositions qu’il annonce semblent bien insuffisantes par rapport aux attentes et à la demande sociales.

Dès lors, comment les vieux et les vieilles peuvent-ils exercer une influence déterminante ? L’idée d’une action directement politique, comme vieux et vieilles, ne semble guère susciter l’enthousiasme, et celle qui consiste à construire une action de lobbying pas davantage. La question demeure posée : si des vieux et des vieilles sont capables d’être des acteurs sociaux et culturels, sans vouloir ni peut-être pouvoir se constituer en acteurs politiques, comment peuvent-ils envisager le traitement politique de leurs demandes sociales et culturelles ?

Michel Wieviorka