Une ville plus facile pour les vieux, c’est une ville plus facile avec eux. Or, s’il est bien un sujet qui pourrait à la fois transformer la ville et faciliter la vie des « personnes-âgées-à-mobilité-réduite », c’est le niveau du sol, du rez-de-chaussée de la rue.
Chacun peut voir à quel point les aménagements urbains neufs sont insatisfaisants en regardant ce qu’on peut appeler le vrai « rez-de-ville » : celui où l’on peut voir trottoirs inconfortables, vacances commerciales, dispositifs sécuritaires, place dispendieuse de la voiture (entrées de parkings, places de stationnements, sols imperméabilisés…). Or, il n’y a pas de fatalité à cela. Il faut d’abord considérer que la très grande majorité des rues devraient être habitées, y compris le rez-de-chaussée des immeubles. La demande commerciale est très loin de pouvoir remplir les rez-de-chaussée. Mais les besoins en logements, les petits jardins de devant qui permettent un recul vis-à-vis des chaussées sont bien plus importants. Dans la perspective d’une ville marchable et cyclable (durable), réduite au minimum des services essentiels (déménagements, livraisons, santé, sécurité), une ville d’allées tranquilles est nécessaire et concevable.
Ces rez-de-ville sont donc des lieux privilégiés pour des logements accessibles de plain-pied pour des vieux, seuls, en couple ou en cohabitation. Plutôt que de (ré)aménager des appartements aux étages, en réduisant la surface utile, pour les rendre accessibles au nom d’un égalitarisme bien abstrait. Mais ce niveau est aussi celui de lieux qui peuvent être attribués – comme ils le sont d’ailleurs souvent pour des locaux de santé ; centres médicaux, pharmacies, lieux de soin, salles de gym diverses… – ou, comme on peut le voir à Singapour où, sous les pilotis de très grands ensembles de logements, des vieux et très vieux, de plus en plus nombreux, passent leur journée dans des espaces ombrés et ventilés où ils peuvent jouer aux cartes, faire la cuisine, faire de la gym, garder les enfants…
D’ailleurs, à l’autre bout des générations, la très faible place des enfants dans l’espace public, conduits en voiture par les parents à l’école et confinés volontaires ou non, la mauvaise répartition et localisation des terrains de jeux et de sport, est aussi un problème d’âgisme. Et d’ailleurs, dans l’urbanisme pour et par la voiture, la raréfaction du passage des enfants dans les bourgs et les villages, sur « le chemin des écoliers », fait aussi partie de l’isolement des vieux.
L’avenir de la rue, c’est aussi les vieux !
David Mangin