Je témoigne, tu témoignes, il témoigne…
Le témoignage a changé. De discret, d’intime même, il est devenu le nec plus ultra, la nouvelle bible, surtout lorsque celui-ci est dense, triste, lourd, et chargé d’émotion. On l’écoute, on le like bien sûr, on le partage évidemment. Le témoignage est tombé dans l’air du temps, comme un poisson dans l’eau des réseaux sociaux. Car il se décline à la première personne, il a toujours raison.
Il y a quelques années, le monde de l’humanitaire avait bouleversé les codes, en affirmant qu’il ne suffisait pas de soigner, mais qu’il fallait, aussi, parfois et dans certaines conditions, témoigner, dire tout haut ce qui se cachait, ce que l’on cachait. Témoigner, c’était combattre avec des mots face à un silence assourdissant.
Aujourd’hui, le témoignage ne semble plus un combat. C’est devenu presqu’un sermon que l‘on écoute religieusement. Sans avenir, en retard, toujours, simple clin d’œil au passé. Comme un testament. Comme une plainte dans un confessionnal. On l’écoute, puis on tourne la page. C’est un défilé de témoignages, et à la fin du cortège, on applaudit mais il ne se passe rien. Regardez Orpea, regardez la fin de vie, regardez l’hôpital….
Comme si témoigner se repliait sur lui-même. Hier, une fenêtre vers les autres, aujourd’hui un volet refermé sur soi. Pourquoi ?
Éric Favereau