Objectif : promouvoir un changement de regard de la société sur la vieillesse
Le constat
Plus de 500 000 vieux en état de mort sociale, deux millions d’autres en situation de grand isolement. Avec un plus grand risque d’être touché si on est une femme. Et une nette aggravation de ces indicateurs au cours des 4 dernières années (Baromètre Petits Frères des pauvres, 2021). Quatre millions de personnes âgées exclues de la culture numérique et de tout accès à Internet, à qui il est devenu impossible de faire valoir ses droits, de procéder de façon autonome à l’achat d’un billet de train ou d’un forfait de téléphone, à la déclaration de ses impôts ou d’un emploi CESU d’aide à domicile, ou encore à une prise de rendez-vous médical en ligne ; c’est-à-dire, réduits à l’impuissance sociale et citoyenne, transformés en « dépendants » administratifs, alors qu’ils auraient encore largement les aptitudes à ne pas l’être.
Des villes, qui deviennent de plus en plus inhospitalières pour les vieux, des transports en commun inadaptés, des taxis insuffisants en nombre et chers. Des villes qui ne se préoccupent pas d’une adaptation des logements aux nécessités des personnes âgées (portes cochères trop lourdes, sols glissants, pas d’obligation d’ascenseur ou de rampes d’accessibilité). Des villes qui ne proposent pas de places de parking réservées aux personnes vieilles, comme cela existe pour les personnes avec handicap.
Trop peu d’attention portée à faciliter l’accès à la culture : réservation par Internet obligatoire, files d’attente trop longues avec station debout pénible pour les personnes à mobilité réduite, peu d’aide pour bien voir ou bien entendre dans les lieux de culture, peu de dispositifs conçus pour porter la culture à ceux qui ne peuvent plus se déplacer.
Une médecine trop centrée sur le curatif et qui ne tient pas suffisamment compte de la spécificité éventuelle liée à l’âge. Peu de recherche clinique s’y intéressant par exemple lorsqu’il s’agit de l’évaluation de l’efficacité d’un nouveau médicament ou vaccin. Une aggravation des inégalités territoriales d’accès aux soins, avec des zones de déserts médicaux, qui deviennent de plus en plus nombreuses et étendues en milieu rural. Des conditions d’accompagnement à la fin de vie insuffisamment satisfaisantes et accessibles sur l’ensemble du territoire.
Trop peu d’attention portée à l’entretien et au maintien de l’autonomie sous toutes ses formes : autonomie physique, mais aussi autonomie psychique et autonomie socioéconomique. Des conditions de prise en charge de la grande dépendance totalement insatisfaisantes, avec comme unique solution l’institutionnalisation en Ehpad, lieux qui sont trop souvent des lieux d’abandon, de privation de liberté, de non-droit, sans contre-pouvoir démocratique véritable, avec des conseils de vie sociale (CVS) qui fonctionnent mal et des familles mécontentes de la façon dont leurs proches sont pris en charge malgré les sommes importantes qui leur sont réclamées pour les y maintenir.
10 thématiques plus spécialement identifiées sur lesquelles nous appelons à un changement des pratiques :
1. La reconnaissance de la diversité des vieux
2. La nécessité de maintenir les vieux dans le lien social
3. L’accès aux droits
4. L’entretien de l’autonomie sous toutes ses formes.
5. La place et le rôle dévolus /réservés aux vieux dans la société
6. Pouvoir vieillir dans un cadre de vie adapté au vieillissement.
7. Pouvoir continuer d’avoir accès à la culture et aux loisirs dont ils ont envie.
8. Promouvoir des possibilités de transport et de mobilité permettant aux vieux de se déplacer quand ils le veulent, où ils le veulent, notamment pour pouvoir rester en lien, participer à la vie sociale, avoir accès à la culture et aux loisirs.
9. Une médecine adaptée à leurs priorités et à la spécificité de la vieillesse.
10. Un changement de regard sur la prise en charge de la dépendance liée au grand-âge : réinventer les Ehpad.
Exemples de propositions autour de ces thèmes
Le plus possible concrètes et faciles à mettre en œuvre :
1. Permettre aux vieux de pouvoir accéder à de la formation continue comme tout un chacun si cela leur est utile pour continuer d’être actif, y compris bénévolement.
2. Rendre les transports en commun gratuits dans les villes pour les plus de 65 ans. Montpellier l’a fait, pourquoi pas les autres villes ?
3. Rendre les taxis gratuits pour les plus de 90 ans ainsi que pour les personnes avec handicap.
4. Équiper les lieux de culture (cinémas, théâtres) de casques audio permettant aux malentendants de continuer de pouvoir venir aux spectacles.
5. Créer une file spéciale vieux à la caisse des grandes surfaces pour éviter qu’ils soient pressés et bousculés par les autres.
6. Homogénéiser les politiques vieux et handicap en matière de maintien de l’autonomie : accès à la carte Mobilité Inclusion (l’ancienne carte « handicapé ») pour raison de vieillesse, multiplication des logements et habitats accessibles PMR.
7. Maintenir la possibilité de pouvoir contacter quelqu’un par téléphone pour obtenir un rendez-vous dans un hôpital, une administration, pour prendre une place de théâtre ou réserver une plage horaire pour visiter une exposition.
8. Maintenir la possibilité d’être lu quand on envoie un courrier à une administration publique et créer une obligation de réponse circonstanciée et non standardisée.
9. Passer du recueil du « consentement » au recueil du « choix » de la personne vieille pour toutes décisions la concernant : le seul consentement est un leurre.
10. Multiplier les actions susceptibles de renforcer « l’estime de soi » des personnes vieilles par la multiplication des occasions de rencontre et de dialogue autour de sa propre expérience.
11. Imaginer un bus itinérant pour apporter une consultation d’évaluation des besoins sociomédicaux auprès de tous les vieux et vieilles isolées.
12. Favoriser la médecine permettant de continuer de bien marcher, voir, entendre et d’avoir une bonne qualité de vie en général.
13. Penser l’habitat en termes de « cadre de vie ». Imaginer pour les vieux des cadres de vie qui maintiennent au mieux à la fois la liberté, la sécurité et le maintien du lien social : c’est-à-dire des habitats de repli au cœur des villes ou des villages, permettant de pouvoir sortir de chez soi facilement, de participer à la vie sociale aussi longtemps que possible, et permettant aussi d’être facilement visité.
14. Faire en sorte que les vieux puissent choisir le cadre dans lequel ils souhaitent vivre, ainsi que les personnes avec qui ils souhaitent habiter : favoriser les rapprochements affinitaires et aussi les rapprochements intergénérationnels. Respecter la diversité des personnes vieilles et ce qu’elles expriment concernant leurs choix de vie.
15. Créer des emplois de proximité, permettant aux vieux d’être aidés dans leurs démarches administratives et numériques.
16. Favoriser l’accessibilité des vieux à des conditions de fin de vie conformes à ce qu’ils souhaitent, ainsi que la discussion et le recueil de leurs souhaits en la matière (notamment directives anticipées, personne de confiance).
17. Instaurer une consultation systématique des vieux avec un notaire pour être informé et pouvoir choisir d’organiser sa succession en toute connaissance de cause.
18. Favoriser l’accessibilité des vieux à des fonctions électives, à proportion de ce qu’ils représentent au sein des populations concernées, ainsi que leur insertion dans toutes les instances dans lesquelles il est pris des décisions susceptibles d’impacter leur qualité de vie au quotidien.
19. Multiplier les outils démocratiques de proximité ayant pour mission de développer un contre-pouvoir face aux décisions prises impactant la vie des vieux ; repenser le fonctionnement de ceux existant, comme les CVS pour qu’ils aient les moyens de remplir effectivement les rôles que leur confère la loi.
20. Proposer aux médecins et soignants qui travaillent aujourd’hui dans les Ehpad et qui ont un savoir-faire en matière de prise en charge des personnes vieilles et dépendantes, de sortir des Ehpad pour travailler au bénéfice d’une commune ou d’une communauté de vieux insérés dans la ville.
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