La « cause des vieux » prend de plus en plus ces temps-ci le vernis d’une grande cause nationale. Après plus d’une dizaine de rapports sur la vieillesse et la dépendance, la création de la branche autonomie de la Sécurité sociale (aujourd’hui non financée) en août 2020 et la vague pandémique du Covid 19, une fenêtre de tir s’est ouverte pour de nombreuses tribunes et propositions, venues de collectifs politiques, professionnels ou civils de tous bords aux avis souvent divergents.
Ainsi, pour les uns, il faut par exemple investir massivement dans les Ehpad, en construire de nouveaux et les doter, enfin, de moyens en personnels plus nombreux, mieux formés et mieux payés. D’autres, tels les sénateurs Michelle Meunier et Bernard Bonne, plaident au contraire pour tourner le dos au modèle Ehpad en lui-même. À contre-courant du discours dominant et prenant exemple sur le Danemark, ils proposent d’arrêter de construire de nouveaux établissements, et de « changer de regard » sur la vieillesse et promouvoir un « vieillir autrement »1. Comment ? Grâce à une politique volontariste de réduction des risques en matière de perte d’autonomie et d’entrée en dépendance liées à l’âge. On peut se demander si les deux branches de l’alternative sont exclusives l’une de l’autre, mais chacun y va en tout cas de sa solution. Pour autant, et malgré toute cette agitation, qui dure depuis près de dix ans déjà, rien ne bouge vraiment dans les politiques publiques s’intéressant à la vieillesse.
Mais sait-on vraiment ce qu’il conviendrait de faire ? Car qui parle ? Que vivent, disent et souhaitent pour eux-mêmes les premiers intéressés ? Qui va à leur rencontre ? Qui les entend ? Qui les suit sur le long cours pour savoir comment se passent concrètement les choses pour eux, que ce soit chez eux ou en Ehpad ? « Aller dans une maison de vieux ? Moi, jamais ! » Et s’il se fait qu’un jour vient où il n’y a pas le choix ?
Changer de regard sur la vieillesse, c’est peut-être déjà accepter que l’on ne connaît pas la bonne réponse. Le Covid a fini de brouiller les idées que l’on avait sur la question. Alors, l’urgence ne serait-elle pas de redonner la parole à ces vieux, de les écouter, et même de les entendre, avant de conclure sur les grandes orientations politiques à prendre ?
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