Ehpad, hôpital, urgences, recours… De la maltraitance à tous les étages !

Voilà un témoignage transmis par Lucien Leguay, président de l’association VE.DI.BE – Vieillir dans la dignité et le bien-être. Et il se dit effondré : « Georges a subi ces turpitudes », écrit-il, « depuis plus de trois mois, et de quelque côté que l’on se tourne, il n’y a pas de réponse rassurante et le périple décrit ne semble pas prendre fin en ce début de mars. »

Nous l’appellerons Georges. Georges est depuis décembre 2020, résident dans un Ehpad associatif de Rueil-Malmaison. Fort heureusement, son épouse Maria dont il est séparé mais qui lui rend visite, prend soin de lui et rappelle aux soignants la prise des médicaments indispensables. Georges est atteint d’une maladie neurologique que l’Ehpad peut prendre en charge. Il est sous curatelle renforcée.

Le dimanche 26 novembre, ses médicaments ne lui sont pas administrés et Georges entre en crise. Agressé par le son strident de l’appareil radio d’une aide-soignante réglé très fort, il l’éteint ; elle le rallume et le provoque en le menaçant de le photographier et de le filmer dans la petite pièce où ils se trouvent et dont elle lui barre la sortie. Ils en viennent aux mains. Tous les deux sont légèrement blessés.
Georges est emmené aux urgences de l’hôpital de Nanterre où le psychiatre qui l’a examiné décide de le faire reconduire à son domicile, l’Ehpad de Rueil. Les ambulanciers se présentent vers 18h à la grille de l’établissement où l’infirmière de service, sur injonction de la directrice, leur refuse l’entrée de Georges.
Retour à l’hôpital de Nanterre. Vers 11h30, le lendemain, Maria appelle l’hôpital et on lui répond qu’on est sans nouvelle de son mari qui a fugué. Inquiète car cette journée du 27 novembre est extrêmement pluvieuse en Île-de-France, elle se rend alors au commissariat de Rueil pour signaler sa disparition. Après une bonne heure d’attente, le signalement est en cours d’enregistrement lorsque Maria reçoit un appel depuis une station de métro l’informant que son mari avait besoin d’aide. La fonctionnaire de police estime alors que le signalement ne sert plus à rien et conseille d’appeler les secours de Gennevilliers. Vers 17h30, la police municipale d’Asnières informe Maria de la reconduite de Georges à Nanterre ; il a été retrouvé dans une situation dramatique dans la rue, trempé, désorienté, se croyant en décembre, sans avoir mangé ni pris ses médicaments.

Mardi 28 novembre, installé dans un box aux urgences somatiques, il fugue à nouveau et vient rôder autour du domicile de Maria dans la soirée. Après des appels répétés au 17, la police municipale d’Argenteuil le prend en charge mais il revient vers 23h dans la résidence où il a probablement dormi dans la cour ou dans l’escalier d’un bâtiment. Il quitte les lieux vers 8h le mercredi 29. Les appels de Maria à la police, au SAMU et aux pompiers pour qu’ils le prennent en charge sont restés lettre morte. Georges revient rôder vers la résidence où la police municipale d’Argenteuil le récupère dans la soirée.
Jeudi 30 novembre, fin de matinée, un médecin urgentiste annonce à Maria que son époux se trouve aux urgences de l’hôpital d’Argenteuil où il a passé la nuit et où il sera soigné et nourri. À chaque événement, Maria a tenu la curatrice informée, sans réaction de sa part.

Ensuite, c’est encore la galère pour trouver un point de chute à Georges, pas trop loin du domicile de Maria et de préférence à Rueil où il conserve tous ses médecins attitrés. Malgré les efforts de l’assistante sociale de l’hôpital et la grande humanité des médecins d’Argenteuil qu’il faut souligner, les recherches d’un Ehpad d’accueil sont restées vaines jusqu’au vendredi 26 janvier.
Accueilli ce vendredi dans un établissement associatif de Nanterre, dès le lundi 29, le médecin-coordonnateur le récuse et l’expédie aux urgences d’Argenteuil d’où il vient ! Finalement, il repartira pour l’Ehpad de Nanterre dans la soirée de ce lundi. L’Ehpad de Nanterre, ce n’est pas Byzance, mais Georges commence à y prendre ses repères. Et voilà qu’il entend parler de séjour temporaire. Nouvelle inquiétude. Inquiétude justifiée car Maria vient d’apprendre que Georges est envoyé dans un Ehpad de Clichy et qu’elle devra assurer son transport le 1er mars. Ce 1er mars, constatant que Georges mange mal et ne reçoit pas tous ses médicaments, Maria le sort et l’emmène déjeuner. Au retour, Georges est en crise, ne veut pas rejoindre l’Ehpad et demande à être laissé à la gare de Rueil. Signalement de l’Ehpad de Nanterre à la police qui informe Maria vers 21h. Georges est retrouvé par une patrouille d’Argenteuil qui le fera raccompagner par la directrice de l’Ehpad. Il est 22h 30.

Résumons : Georges a été viré d’un Ehpad de Rueil qui correspondait à sa pathologie le 26 novembre 2023. Après avoir erré entre centres de soins et urgences, il arrive deux mois plus tard, le 26 janvier, dans un Ehpad de Nanterre qui l’accueille sans enthousiasme pour finalement le virer à nouveau. Vers quels horizons ? Alors qu’aucun contrat de séjour n’a été signé. Alors que la curatrice ne s’est toujours pas manifestée et n’a toujours pas fait récupérer les effets personnels de Georges à Rueil… Voilà brièvement résumées les dernières aventures de Georges, personne âgée de 80 ans, en situation de handicap, considérée comme un objet qu’on se repasse d’un service à l’autre, comme la patate chaude dont on ne veut pas s’occuper et qu’on ignore. Et tout cela, malgré le signalement à l’Agence régionale de santé des Hauts-de-Seine, les appels à la Défenseure des Droits et au cabinet de la ministre de l’Autonomie. À quoi servent donc tous ces services d’aide, de soins, de protection, de recours ? Et si Maria n’avait pas été là ? Honte à cette société qui traite ses vieux de cette façon ! Honte à cette société qui soigne mieux ses animaux que ses vieux ! Mais, au fait, qui donc nous avait promis en 2018 de traiter les problèmes de maltraitance en établissement par une loi Grand Âge toujours attendue, mais sans ressources budgétaires ?

VIF