Le médicament, c’était mieux avant ? Sûrement pas si on songe aux nombreux médicaments inutiles qui ont heureusement disparu du paysage (souvenir d’enfant de Méthionine-Inositol-Choline, triplement inefficace et au goût ignoble). Encore moins si on regarde les progrès thérapeutiques apportés par de nombreux nouveaux médicaments ces vingt dernières années. Le médicament est un outil essentiel à notre bonne santé.
Pourtant, quelque chose ne va pas au royaume de la poutingue (nom occitan des médicaments). L’industrie qui les produit est globalement jugée négativement, ce n’est plus le domaine de l’innovation porteuse de progrès, c’est Big Pharma, sorte de monstre mondialisé toujours plus vorace, qui ne cherche plus un profit nécessaire à sa juste rémunération, mais un méga-profit exigé par des actionnaires voraces. Et ce, pour des molécules dont l’industrie parvient à imposer une prise en charge toujours plus précoce, avec des données cliniques toujours plus minces, et pour un prix atteignant des niveaux stratosphériques, encore inimaginables il y a peu.
Innovations toujours plus chères mais pas toujours porteuses de progrès. Prix justifiés non sur la base des coûts de développement et de fabrication, mais sur l’estimation calculée par modélisation médico-économique : on estime le coût actuel de la prise en charge de la maladie, on évalue les coûts évités grâce au progrès apporté par le médicament, pour convaincre le décideur que même au prix très élevé demandé par l’industriel, il est gagnant. Mais les progrès sont peu et mal démontrés, facilement surévalués, les études économiques et la modélisation sont méthodologiquement imparfaites, voire irrecevables.
Et pourtant, auréolé du prestige de l’innovation, demandé par les patients en attente – légitime – d’amélioration de leur prise en charge, apprécié des médecins qui ont, en France, un attrait particulier pour la nouveauté, le médicament se fraie un chemin à travers agences d’évaluation et comité de prix, et le laboratoire qui le commercialise obtient, très généralement, satisfaction. Dans le même temps, pour contenir un peu l’augmentation des dépenses de santé, le comité économique procède à des baisses de prix, qui ont longtemps été conduites sans épargner les médicaments anciens, peu coûteux, mais essentiels, dont on a raboté les prix jusqu’à les rendre dérisoires, non rentables pour des laboratoires les produisant en Europe. Seuls les laboratoires « low cost » restent sur les rangs, il n’y en a parfois plus qu’un dans le monde et tout incident sur la chaîne de fabrication provoque une rupture de stock pouvant être dramatique.
Cher médicament, souviens-toi : je t’aime si et seulement si tu es prescrit à bon escient, que tu es pris selon les recommandations, sans problème d’observance, sous bonne surveillance (les effets indésirables, ça existe). Et à un prix dont chacun pourra comprendre, par la transparence des données et une évaluation bien conduite, qu’il n’est pas excessif.
François Meyer