Propos tenus lors de l’inhumation au cimetière de Montillot, le 17 février 2023.
Nous nous étions rencontrés avec Michel Foucault à Genève il y a quarante ans,
lors d’une réunion sur la piraterie visant les boat-people en Mer de Chine. Foucault avait prononcé un discours mémorable qui va accompagner nos vies : « Nous ne sommes ici que des hommes privés qui n’ont d’autre titre à parler et à parler ensemble, d’une certaine difficulté commune à supporter ce qui se passe. Qui donc nous a commis ? Personne. Et c’est cela justement qui fait notre droit… »
Depuis, j’ai travaillé avec Daniel pour mettre en place le devoir d’ingérence lors des conférences à l’académie Tarnier avec les philosophes, les juristes et les médecins : Foucault et Kouchner, Glucksmann et Bettati. Puis, lui à Aides, moi à Médecins du monde, pour trouver les idées nécessaires à la prise en charge des patients malades du sida ou séropositifs, jusqu’à proposer avec Jonathan Mann « La Déclaration universelle des droits des malades du sida et des séropositifs » en 1987.
Nous allons mener ainsi une lutte permanente pour combattre la discrimination, la stigmatisation et l’exclusion. Ces années vont permettre de travailler sans relâche au développement des centre de dépistage anonymes et gratuits avec Jacques Lebas, à la prise en charge des toxicomanes avec Arnaud Marty-Lavauzelle et Anne Coppel, aux programmes internationaux de Saint-Pétersbourg à Dakar. C’est avec lui et beaucoup de militants des associations que la loi sur les droits des malades de Bernard Kouchner sera votée en 2002.
Son enthousiasme, son intelligence, et son dynamisme vont nous conforter pour réaliser des objectifs jugés inatteignables.
Nos relations vont changer dans les années 2000 lorsque que je vais devenir son médecin. Nous allons alors partager ce que nous avons voulu pour les malades en général par des échanges permanents, des négociations éclairées pour obtenir pour lui la meilleur vie possible.
Toutes les décisions thérapeutiques seront prises après de longues discussions.
Vingt ans d’échanges, d’inquiétudes partagées, jusqu’à ces derniers jours où Daniel a préféré ne pas poursuivre des soins inutiles. Et là encore, nous avons avec ses amis, Éric Favereau en particulier, et son mari Jamil essayé en soins palliatifs d’obtenir un départ aussi apaisé que possible. C’est ainsi qu’à la pointe des droits des malades, il rédigera ses directives anticipées en vidéo !
Il sera toujours élégant, courageux, avec cette pointe d’humour douce jusqu’à ses derniers instants.
Patrick Aeberhard