Votée en 2019, la suppression du numerus clausus, devenu en 2022 numerus apertus (moyenne à atteindre), se révèle être un habile jeu de bonneteau médiatique ; le numerus apertus annonce en apparence un mode de sélection moins drastique, mais il met en place une réalité très encadrante et sélective (environ 25% d’admis), probablement plus ouverte en termes de réorientation en cas d’échec.
Ce qui est moins connu est l’aggravation de la dérive sociologique induite en parallèle par la « privatisation » des études médicales, notamment de cette si sélective « première année », celle qui va délivrer le sésame pour le doctorat en médecine.
Le système précédent, celui de la « première année commune des études en santé » (PACES), avait déjà conduit à la réussite de 4 étudiants sur 10 issus de milieux favorisés versus 1 sur 10 issu de milieu ouvrier. L’étude de la DREESS qui en témoignait en 2015 ajoutait que cette situation plaçait les études médicales parmi les formations les plus clivées socialement, juste derrière les classes préparatoires aux « grandes écoles ». Le coût de ces études particulièrement longues (souvent plus de neuf ans) constitue un facteur de sélection sociologique lourd. Les frais de scolarité, les manuels, le logement, le transport et l’alimentation constituent une charge que bourses et aides éventuelles ne comblent pas.
Cerise sur le gâteau, de façon rampante depuis quinze ans, des « prépas privées » pour les études médicales se sont implantées à l’ombre des universités. Elles offrent des prépas de pré-rentrée puis, pour la première année, des cours intensifs, des suivis personnalisés, des supports pédagogiques et actualisés, des fiches pratiques, des « colles » et concours blancs… Cet ensemble, véritable coaching intensif, offre une véritable plus-value en termes de réussites et se substitue de plus en plus à l’enseignement de l’université. Nombre d’étudiants n’assistent d’ailleurs plus aux cours en faculté !
Mais voilà, pour les suivre, il faut disposer de solides appuis financiers. Chaque étudiant devra débourser environ 1 000 euros pour les trois semaines de session de pré-rentrée et jusqu’à 7 500 euros en Île-de-France (4 500 euros en province) pour les neuf mois de formation de cette première année. En regard les aides, bourses et autres financements censés lisser les inégalités sociales sont loin du compte. Apparemment, c’est une majorité d’étudiants en première année qui recourent désormais à ces prépas privées. Fortes de ces succès, les prépas vont offrir, en particulier aux moments-clés des études, des formations privées parallèles du même type.
En réaction, notamment appuyées sur un arrêté ancien de 1998, les universités et les associations d’étudiants ont développé le « tutorat » pour offrir une alternative aux prépas. Pour un coût limité à quelques dizaines d’euros, des aides et services importants sont proposés aux étudiants dans les locaux mêmes de la faculté. Même s’il est difficile d’avoir un état des lieux national et exhaustif du choix des étudiants pour le tutorat ou la prépa, les prépas privées semblent assez largement majoritaires dans les choix mais aussi la réussite des étudiants. Qui peut douter qu’au final, les seuls gagnants seront les inégalités sociales des étudiants et demain des médecins ?
François Aubart