L’injection sans salle de consommation

Dans le cadre d’une Étude préliminaire à l’ouverture d’une salle d’injection à Marseille (Eposim) menée par le Sesstim*, des usagers de drogues injecteurs, munis d’un appareil photo jetable, lèvent le voile sur leurs lieux et pratiques de consommation.

L’isolement

« Quand tu vas de shooter, tu es seul. Quand tu prends quelque chose, en général, tu y vas seul, tu souffres d’isolement et ça peut mener au suicide. C’est triste. Tu te retrouves seul et tu as envie de te tuer puisque tu es tout seul. Il n’y a personne pour t’aider ou t’accompagner, pas le truc le plus drôle, quoi. »

Entre les voitures

« Là, tu as tous les déchets de la société, le plus vieux métier du monde, les tox… Ce sont des petites rues, tu as plein de voitures. La nuit, il n’y a pas beaucoup de personnes qui passent, tu as des putes, tu as tout, mais jamais de flics, et tu peux faire ce que tu veux. Tu peux te cacher entre les voitures, tu es plus caché que dans un hall d’entrée où tu as toujours le risque qu’une famille rentre, des enfants. Tout ton matos est sorti, ils ne peuvent pas te louper, et tu es encore plus oppressé. »

Le matériel

« Ça, c’est mon sac de matos. Cups, lingettes, seringues, aiguilles, garrots, Stérifilt®… Quand tu shootes tous les jours, tu t’en fais plusieurs par jour et tu ne te rends pas compte de la quantité de trucs que tu utilises. Du coup, quand je viens ici, je prends soixante, cent seringues, comme ça, je suis tranquille, j’ai le temps de voir venir. Cent, ce n’est pas tant que ça, en fait. »

Dasri de fortune

« Je mets mes seringues utilisées dans des bouteilles que je ramène ici. Il peut y en avoir quarante, cinquante, cent, ça dépend des bouteilles. Soit j’ai des boîtes jaunes (Dasri), soit je les mets là-dedans. Souvent, je prends des grosses bouteilles d’Oasis, ça recycle la bouteille… Je fais super attention, je ne jette jamais mon matos, sauf dans la rue quand je n’ai pas le choix, mais sinon, je fais le tri. »
« Si un jour nos dispositifs disparaissent, que feront-ils avec leurs pompes ? C’est comme ça qu’on s’est dit qu’on allait leur apprendre à les mettre dans des trucs de plastique dur, bouteilles de lait, cannettes de Coca, etc., pour les autonomiser aussi par rapport aux Dasri.
»

Isabelle Célérier

À suivre…

* Sciences économiques et sociales de la santé et traitement de l’information médicale