En matière de médicament, les crises se suivent et se ressemblent. La dernière concerne les progestatifs et médicaments anti-androgènes comme l’acétate de cyprotérone (Androcur®) , une parfaite copie de l’affaire du Mediator®. Onze ans après, ce sont presque les mêmes chiffres et la même histoire.
La cyprotérone ? Pas grand monde ne la connaît, et pour cause : ses indications thérapeutiques sont limitées et ne devraient concerner qu’un nombre réduit de personnes (comme les femmes atteintes d’un trouble de la pilosité grave ou hirsutisme). Pourtant, dans le pays de liberté qu’est la France, 400 000 femmes ont été « traitées » par ce médicament entre 2006 et 2015, soit quatre ans avant et quatre ans après que l’affaire du Médiator® n’éclate.
Comme pour le Médiator®, c’est un médecin (ici, un neurochirurgien) qui lance l’alerte sur un lien qui lui paraît entre ces traitements et l’apparition de tumeurs du cerveau de type méningiome. Comme pour le Médiator®, ce sont des études menées sur les bases de l’Assurance maladie (par Épi-Phare) qui confirmeront la relation causale. Des chiffres assez effrayants : 845 cas de méningiomes pour la cyprotérone, et plus de 1 200 pour d’autres progestatifs. Cerise sur le gâteau : plus de 80% de ces consommations étaient totalement hors indication, sans justification.
Heureusement, le méningiome est une tumeur bénigne, qui peut cependant être à haut risque quand elle est mal située. Et elle régresse en général à l’arrêt du traitement. Mais qui le savait ? De fait, nombre de ces femmes ont eu un parcours d’investigation lourd, difficile avec souvent une neurochirurgie à la clef. Bref, une souffrance, des complications parfois graves (sans oser parler des coûts considérables pour le système de santé) pour des traitements qui n’auraient jamais dû être prescrits.
On attend maintenant une nouvelle découverte fortuite qui va déboucher sur un nouveau scandale. Car on n’est pas dans l’imprévu ici, pas dans ce que Pierre Dac qualifiait de « rare qui n’arrive que quand ça se produit ». On est au minimum dans la passivité assumée et le laisser-faire, ou plutôt dans la mise en danger de la population. Avec les moyens dont disposent depuis longtemps les autorités sanitaires – la base de données de l’Assurance maladie notamment, l’une des plus performante au monde – , il ne serait pas difficile de fixer des seuils de consommation au-delà desquels un dérapage de prescription est plus que probable, ce qui permettrait de regarder ce qui se passe et d’agir en préventif.
Mais c’est peut-être trop simple ou pas assez coûteux ?
Bernard Bégaud