« Les Anglo-Saxons ont trois termes pour désigner une maladie : sickness, ou le mal-être vécu par le sujet malade ; illness, qui décrit le statut social d’une maladie (est-elle valorisée, dévalorisée, à combien de jours de repos donne-t-elle droit…), et disease, qui est la description nosographique normalisée par le corps médical. Tout locuteur ne parle jamais que d’une de ces dimensions et laisse en silence une plage où prolifèrent les autres discours. Le patient a peur de la maladie, les autres ont peur de l’épidémie. Ils ne parlent pas des mêmes choses. Il faut beaucoup de temps pour qu’un discours consensuel réunisse ces fragments d’expériences. Les conférences internationales sur le sida ont joué ce rôle de creuset. Mais leur chronologie n’est pas celle des opinions publiques. Ainsi est-il très difficile d’admettre que la maladie des autres nous menace. »
Daniel Defert
Une vie politique, p. 246, aux éditions du Seuil