La vie en allant au cimetière en voiture

Tout à l’heure, au cimetière de La Teste, il y avait une très vieille femme, elle marchait mal, hésitait, ses jambes étaient toutes gonflées. Elle était très sympathique, elle avait envie d’ouvrir une discussion. Elle notait à juste titre que le cimetière était mal entretenu, qu’entre les tombes, les mauvaises herbes n’étaient pas ôtées, que sûrement elle le ferait savoir avant les prochaines élections municipales. Mais bon, disait-elle, ce que j’en dis…

De son pas hésitant, elle est allée devant une tombe, elle l’a regardée, elle a tenté de lui donner un petit coup de jeune. Elle y est restée longtemps, arrosant des fleurs pas encore fanées. Était-ce son mari, un enfant, ou une amie qu’elle venait saluer ?

Il ne pleuvait pas encore. Puis elle est repartie en voiture, une petite voiture. Elle a démarré, manifestement elle y était bien, conduisant sans trop de peine pour sortir du cimetière. Elle ne devait pas habiter bien loin. Peut-être a-t-elle fait quelques imprudences ces derniers mois, voire froissé un peu de carrosserie même si sa voiture était, ce jour, impeccable.

En la voyant s’en aller doucement comme elle était venue, on se disait qu’heureusement, on lui avait laissé la possibilité de conduire, que nul examen à repasser vu son grand âge ne lui avait été imposé. Autrement, à coup sûr, elle ne serait pas venue, le cimetière de La Teste, 30 000 habitants, n’étant desservi par aucun bus. Qui, d’ailleurs, se serait inquiété de sa non-venue ?

É. F.