Les Jeux paralympiques sont une occasion de célébrer l’inclusion et la différence, et cette nouvelle visibilité est réjouissante.
L’histoire des Jeux paralympiques commence en 1948 dans le centre de rééducation de Stoke Mandeville, près de Londres, où le neurochirurgien Ludwig Guttman, qui le dirige depuis 1945, crée des compétitions sportives pour les blessés de guerre paraplégiques à la suite d’une lésion de la moelle épinière. Ces compétitions se sont progressivement internationalisées, rapprochées des JO (en 1960 à Rome), puis ouvertes à d’autres types de handicaps et de très nombreux sports, « para » prenant la signification de « parallèle » et non « paralysé ».
L’histoire peut se lire comme un affranchissement du contexte médical pour se fondre dans le modèle sportif. Les athlètes paralympiques se veulent avant tout des athlètes qui méritent respect comme tout athlète de haut niveau capable de prouesses corporelles inouïes. Ils refusent le regard commisératif ou stigmatisant auquel les personnes handicapées sont souvent soumises dans la vie de tous les jours, quand ce n’est pas une curiosité morbide. Mais ils refusent autant l’excès d’enthousiasme, comme le montre la polémique suite aux mots de Teddy Riner qui a qualifié les para-athlètes de de « super-héros », dans l’idée sympathique de promouvoir les Jeux paralympiques. Sofyane Mehiaoui, l’un des membres de l’équipe de France de basket fauteuil, a vertement répondu « on est des personnes en situation de handicap et nous souhaitons être considérés comme des personnes normales. Quand on nous surexpose, ce n’est pas bien. On n’est pas des super-héros, on est des athlètes » (rapporté par Sabrina Champenois dans Libération).
Il reste compliqué de s’affranchir du modèle médical. À l’origine, le mérite de Ludwig Guttman est d’être le pionnier de la rééducation fonctionnelle des blessés médullaires. À cette époque, les antibiotiques ont transformé le pronostic de la paraplégie, qui était jusque-là fatale en quelques semaines. Le sport s’intègre dans les thérapies physiques développées par Guttman pour redonner une vie autonome à ses patients. Les premiers handisports, le tir à l’arc et le basket, développent la musculature et le contrôle des bras et du tronc, ce qui est indispensable pour l’autonomie des personnes en fauteuil. Le tir à l’arc permet également de concourir avec des personnes valides. La compétition est aussi bénéfique sur le plan psychologique, pour la motivation, l’estime de soi et le lien social. Les catégories ont été créées pour que la compétition soit équitable. Chez les blessés médullaires, il s’agissait simplement du niveau anatomique de la lésion spinale. Actuellement, la définition des catégories s’écarte des classifications médicales. Il ne s’agit pas de classer selon la cause du handicap ni par le type de déficience mais par une estimation du retentissement des incapacités fonctionnelles sur le sport pratiqué par l’athlète. Cette estimation se fait conjointement par des cliniciens et des techniciens spécialistes du sport en question. Des systèmes de points permettent de tenter d’égaliser les chances (retrouvant l’origine du terme handicap dans les courses de chevaux).
Les Jeux paralympiques, comme les jeux olympiques, mettent l’action sur la compétition et l’individualisme poussés à l’extrême, loin d’un idéal social du sport-santé pour tous. Les progrès techniques qui ne sont pas accessibles à tous sont souvent déterminants pour la performance sportive (les progrès énormes sur les fauteuils roulants, les prothèses, etc.). Il faut saluer à Paris la mise à disposition d’un staff technique et d’un centre de réparation du matériel dans le village des athlètes pour les représentants de pays moins riches. Au-delà des tensions entre modèle médical et modèle sportif, la venue à Paris de très nombreux sportifs et visiteurs handicapés montre au passage la piètre accessibilité de notre ville, en particulier des transports. Et si la prise de conscience politique de Valérie Pécresse est certes louable, elle arrive tard alors que l’accessibilité de l’espace public est une obligation légale depuis la loi de 2005.
Agnès Roby-Brami