Et si les présidentielles s’intéressaient aux suites de la pandémie de Covid…

En 2020, les deux vagues pandémiques de la Covid 19 ont entraîné une sollicitation majeure de l’hôpital et un confinement inédit de la population. On découvrira plus tard combien ces évènements ont laissé de fortes séquelles sanitaires, sociales et humaines chez celles et ceux qui ont été concernés. Mais, dès à présent, les conséquences sanitaires liées aux décisions de limitation d’accès aux soins hors Covid commencent à se révéler.

Manifestation du collectif inter-hospitalier, le 30 octobre, au ministère de la Santé

La très sérieuse Agence technique d’information hospitalière (ATIH) et la très institutionnelle Direction de la recherche des études de l’évaluation et des statistiques (DREES) viennent de livrer leurs premiers éléments d’analyse hospitalière pour l’année 2020. Que montrent-ils ?


En 2020, il y a eu 2,2 millions de séjours hospitaliers en moins qu’en 2019, alors que l’hôpital a réalisé la même année 220 000 séjours en plus pour des patients dits « Covid ». Ces séjours en plus, justifiant 24 heures sur 24 une densité et une complexité d’équipes sans précédent, se sont concentrés lors de deux pics d’afflux massif de malades, au printemps et à l’automne.
Dès lors, pour accueillir les malades Covid, notamment dans les services de réanimation, il a fallu faire de la place ; il a fallu réaffecter des équipes médicales et soignantes pour les faire monter « au front » ; il a fallu « déprogrammer » les soins qualifiés de « non urgents » ; il a fallu dire « plus tard » à des malades. Ainsi, dans des hôpitaux déjà sous tension, le premier pic pandémique en avril et mai a concentré et provoqué à lui seul 80% des déprogrammations.

Aujourd’hui, on peut identifier, compter celles et ceux qui ont dû être qualifiés de « non urgents » et mesurer l’impact des non prises en charge sur leur santé. Ainsi, lors de la vague d’avril mai, 75% des activités de chirurgie ont été supprimées pour transformer des salles de réveil en salles de réanimation et pour délocaliser les équipes opératoires en soins intensifs. Entre les deux vagues de Covid, l’activité de médecine n’a pas repris. Il n’y a pas eu de « rattrapage » des prises en charge. Lors de la deuxième vague, ce sont les services de médecine et leurs équipes qui ont été préférentiellement reconvertis pour faire face. La baisse drastique des épidémies saisonnières et l’adoption des gestes barrières à la réouverture des écoles ont contribué à expliquer pour partie la chute des venues des patients à l’hôpital. Il y a aussi eu cette sorte d’autocensure qui a conduit de nombreux malades à renoncer à aller se faire soigner à l’hôpital. Mais, avant tout, ce sont bien les déprogrammations qui en sont l’essentiel.

Au travers de ses bases de données, l’ATIH a analysé certaines pathologies illustrant significativement la nature des pertes de chances provoquées par les déprogrammations. Par exemple, les malades du cancer ont été très nombreux à voir leur prise en charge remise en cause, notamment en chirurgie. Mais la diversité des situations de la maladie cancéreuse rend difficile, à ce stade, leur quantification et leur analyse. En revanche, certaines pathologies homogènes ont été retenues par l’ATIH pour leurs caractères très illustratifs et documentés : diabète, accidents vasculaires cérébraux, anorexie et, plus généralement, troubles des conduites alimentaires qui concernent notamment les jeunes de moins de 18 ans.

En 2020, on a observé une chute de 17% (environ 12 500 malades) des prises en charge hospitalières des diabétiques. Ainsi encore, les venues de malades présentant des accidents vasculaires cérébraux ont brutalement chuté en 2020 par rapport à 2019, notamment lors de la première vague. Comparativement, ce sont environ 6 000 patients qui n’ont pas été pris en charge à l’hôpital. Quand on sait que ces accidents vasculaires constituent des urgences graves, même si on ne peut aujourd’hui analyser finement les conséquences de cette fracture de prise en charge, on peut penser que l’impact en termes de séquelles et de surmortalité a été lourd pour chacun de ces 6 000 patients. Quant aux jeunes patients anorexiques et/ou boulimiques, malgré une baisse des prises en charge pendant la première vague, c’est au contraire une augmentation de 21% des prises en charge en hospitalisation qui a été observée en 2020. Quel indicateur de détresse pour cette tranche d’âge.

In fine, toutes les pathologies, notamment digestives, cardiovasculaires et neurologiques, ont été concernées par ces défauts ou retards de prises en charge médicales et chirurgicales hors Covid. En 2020, lors de la première vague, ce sont environ 900 000 patients présentant des pathologies médicales lourdes qui n’ont pas été pris en charge à l’hôpital.
Le constat est probablement dramatique. Et il est à venir. N’est-ce pas suffisant pour que la santé constitue enfin un enjeu prioritaire de la future campagne et des choix du prochain quinquennat ?