Du côté de la vie…

La chronique de Jean-François Corty

Les bras non croisés…

Un été, mais quel été ? ! Comment résister au chaos ? Sur ces dernières semaines, il y a une chose qui ressort ; la notion de famine à Gaza a été reconnue par les Nations unies, ce qui renvoie à des critères précis, des taux de malnutrition supérieurs à 30%, avec une mortalité conséquente, une famille sur 5 qui n’a pas accès à de la nourriture. Mais cela intervient, dans un contexte où depuis des mois, le Programme alimentaire mondial et les ONG alertent sur le nombre d’enfants malnutris qui explose. Et c’est cela qui est terrible, car cette famine fabriquée par le siège intentionnel, et donc évitable, renvoie à une faillite morale du gouvernement israélien et d’une bonne partie de la communauté internationale qui ne fait rien pour stopper cette dynamique d’allure génocidaire. On l’avait prévu, on l’avait dit, et rien n’a bougé, c’est terriblement frustrant, le pire est arrivé et le pire est encore à venir.

Qu’en déduire ? Cela ne délégitime pas la pertinence de l’action des ONG, je dirais que cela la renforce…C’est, bien sûr, désespérant, et ce, malgré ce que l’histoire nous a appris, malgré des famines passées, malgré les génocides dénoncés, malgré le fait que depuis cinquante ans des dispositifs internationaux de gestion des conflits ont été mis en place, censés prévenir et répondre à des catastrophes…Eh bien ce que l’on redoutait a eu lieu, ces instances mises en place ne les ont pas empêchés. On a fait table rase de l’histoire qui, pourtant, nous aide à mieux penser le présent et l’avenir.

Désespéré ? Non, je réagis en humanitaire, nous sommes confrontés à des drames, à des conflits, et cela nous motive pour agir, pour témoigner. Mais on le sait, il n’y a pas un grand soir qui arrêterait tout, d’un coup, les famines, les génocides, les effrayantes inégalités mondiales. Ce qui se passe entretient nos combats. Cela les conforte même, il faut continuer avec l’esprit d’indignation, même si ce n’est pas simple. Cette impuissance, on la vit aussi comme médecin, lorsque l’on est face à des malades qui vont mourir, mais on ne baisse pas les bras pour autant.

Le manque de réaction de la communauté internationale est effrayant, alors que celle-ci est censée au regard de ses obligations légales mettre en place des réponses… Il y a certes un consensus sur le fait que la situation est terrifiante, mais c’est long, tout cela a pris du temps. Même les humanitaires sont atteints, directement affectés, non seulement par la mort de certains, et comme tous, sont déplacés, sans logement et soumis à la faim et la soif. C’est exceptionnel et dramatique.

Jean-François Corty
(Médecin, membre de VIF, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques et à l’Institut convergences migrations, président de Médecins du monde