Quand on évoque les droits des malades – et la loi du même nom, adoptée il y a vingt ans exactement –, on pense aussitôt hôpitaux. Et à juste titre. Mais les établissements hospitaliers ne sont pas les seuls concernés : les foyers pour handicapés mentaux, les résidences pour personnes en perte d’autonomie, les établissement ou services d’aide par le travail (ESAT), etc. C’est tout le monde du médicosocial, qui en relève. Mais est-ce le cas, dans la réalité ?
Pour schématiser, la loi relative aux droits des malades privilégie l’autonomie de la personne. À elle de décider, de choisir, d’accepter ou de refuser les soins. La question du consentement devenant ainsi centrale dans la relation de soins, ainsi que celle de l’information. Carmen Delavaloire dirige aujourd’hui le Centre ressource d’Île-de-France pour les personnes concernées par les troubles psychiques, pour leurs proches et pour les professionnels (Céapsy). Elle connaît bien ce monde-là. Et elle le constate : « Il y a encore beaucoup de choses à faire. Au quotidien, c’est vrai, les malades psychiques ne sont pas forcément informés, ils n’ont pas le même rapport avec les soignants que les autres malades. On reste encore trop dans une logique d’accompagnement maternel, par bien des côtés. Les professionnels tombent dans une logique de la bienveillance, pour ne pas stigmatiser, pensent-ils. Ils vont parfois surprotéger la personne. Et de fait, les personnes s’auto-stigmatisent aussi dans le monde psychique, elles n’osent pas demander, elles ont perdu confiance, et se sentent des sous-citoyens… Je pense ainsi aux lieux d’hébergement, avec une prise en charge 24h/24, où les résidents ne sont pas informés. »
Pour Carmen Delavaloire, les blocages peuvent demeurer à tous les niveaux que. « Le droit des usagers ? Cela peut dépendre aussi des conseils d’administrations des associations qui s’occupent de ces lieux. Historiquement, ces associations ont été créées par les familles et il est resté un rapport de protection. Les choses sont en train de bouger avec une transformation de l’offre, les structures vont être appelées à travailler avec la notion de rétablissement du patient, et donc de sa participation. Mais on se rend compte que beaucoup de structures en sont encore éloignées. Le personnel n’est pas assez formé, on reste sur des clichés un peu trop paternalistes. »
Se montre-t-elle confiante ? « Cela met du temps à se diffuser, il y a des résistances. Dans les hébergements, on parle beaucoup de sécurité, et cela va un peu à l’encontre de l’autonomie et du libre choix de la personne. Dans les lieux de travail, on se rend compte que la personne est très encadrée, qu’elle n’a pas le choix d’aller à l’extérieur. Les directeurs doivent rendre des comptes, alors ils surprotègent. Et les familles mettent la pression. Ne parlons pas de la sexualité, qui reste un gros sujet tabou. » Et quid de la présence des usagers dans les structures médicosociales ? « Il y a encore beaucoup à faire, tout le monde essaye, mais il faut faire du forcing. Et c’est souvent les familles qui sont représentées et non pas les malades directement. »
On le voit, il y a encore bien des blocages mais aussi des difficultés structurelles. Le verre est tout juste à moitié rempli. Comment sortir de la bienveillance et d’une logique parfois étouffante de l’accompagnement ? Comment la loi des droits des malades peut-elle mieux se diffuser dans ce monde, toujours un brin dévalorisé, du médicosocial ?
C’est de tout cela que nous discuterons ce mercredi 7 décembre, avec Carmen Delavaloire donc, mais aussi avec Pierre Lascoumes, juriste à l’origine de la loi de 2002, et un pair aidant qui travaille dans ces structures.
Les débats de VIF : mercredi 7 décembre 2022, à 18h00, 92 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris.