Des mots sur la fin de vie

« Le sujet de la fin de vie ne peut être abordé que la main tremblante », aurait dit le grand rabbin de France à Emmanuel Macron. Deux ans de débats, de concertations, de convention, et aujourd’hui, on attend…
Revenons à quelques propos, un choix arbitraire bien sûr.

Capté sur Facebook

François Damas, médecin, responsable de l’unité de fin de vie à Liège, en Belgique : « Aux malades qui me le demandent, je peux leur dire simplement que pour ma part, j’attendrais, que je ne suis pas d’accord, que c’est trop tôt. Bien sûr, ils ont la liberté de me le demander et moi, j’ai celle de refuser. Car pour faire cet acte, j’ai besoin d’adhérer. Il faut que le médecin consente. Il n’est en rien contraint. Je le redis, le patient décide, le médecin y consent. Je fais le geste seul, ou en présence des proches, selon leurs souhaits. Mais c’est une vraie codécision. » (« Le patient décide, le médecin y consent »)

Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), dans un entretien à l’hebdomadaire La Vie : « Les gens ne veulent pas que leur fin de vie soit réglée par avance par une posture, qu’elle soit religieuse, politique, institutionnelle ou médicale. Ils ont peur de quelqu’un qui est ancré dans ses certitudes, pour qui les choses sont évidentes… Lorsqu’on endort quelqu’un pour qu’il ne se réveille pas, c’est une hypocrisie de dire qu’on vise le soulagement et non la mort.  Aider à mourir, c’est le propre d’une médecine qui prend conscience que raccourcir le délai de l’agonie n’est pas une exécution… Les personnes veulent mourir mais pas qu’on les tue. »

Véronique Fournier, qui a fondé le Centre d’éthique clinique (CEC) : « Pour moi, réussir sa mort aujourd’hui, c’est réussir à obtenir une mort qui nous ressemble, c’est-à-dire qui ressemble à qui nous avons été, à la façon dont nous nous sommes construits, à l’idée que nous nous faisons de notre vie et de notre mort, à nos convictions. Réussir sa mort peut de ce fait être très différent d’une personne à l’autre, car les parcours de vie sont de plus en plus individualisés. Nous avons appris à nous émanciper de la règle et à tracer chacun notre route singulière. Le rôle de la société devrait selon moi être le même pour tous : ne pas porter de jugement et aider chacun à obtenir au plus près la mort qui serait pour lui une mort réussie. »

Valérie Mesnages, neurologue, membre du CEC, dans une pétition : « Nous, professionnels de santé, estimons que l’aide active à mourir doit s’inscrire dans le champ du soin, seul garant d’un accompagnement de fin de vie solidaire destiné tant à la personne malade qu’à ses proches. »

Claire Fourcade, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP). « Donner la mort n’est pas un soin… La main qui soigne ne peut pas être celle qui tue. »

François Braun, ancien ministre : « La fin d’une vie reste in fine un moment très intime, intimiste, même, entre le patient, sa famille, le médecin. Accompagner la mort, ce n’est pas donner la mort. »

Paul Ricœur, philosophe, en 2006, s’interrogeait dans la revue Esprit : « Pour qui la prolongation de la vie est-elle insupportable ? Pour le malade ? Pour l’environnement familial ? Qui a demandé la mort ? Que signifie cette demande ? » Lors d’une rencontre autour de la fin de vie, avec Bernard Kouchner au ministère de la Santé, le même Paul Ricoeur : « Moi, ce que je voudrais, c’est mourir en donnant la main à un ami. »

Emmanuel Hirsch, éthicien : « Notre devoir de fraternité est un devoir de présence à la personne fragile dans l’existence. Le problème, c’est que ces personnes qui doutent de la vie n’entendent plus parler que de droit à mourir dans la dignité. Mais elles ne veulent pas mourir dans la dignité, elles veulent vivre !… On est dans une société en train de s’atomiser, et on en rajoute avec une espèce de discours de la bienveillance qui relève d’un humanisme de façade. »

Frédéric Worms, philosophe : « Il ne s’agit pas de justifier le fait de donner la mort, en général, mais de répondre à une demande singulière, individuelle, située. C’est l’acte de quelqu’une ou quelqu’un, oui, même cela : « mourir ». Il ne s’agit donc pas de la mort, mais d’une vie, d’un vivant, confronté à une situation et à une décision. »

Emmanuel Macron, lors de la remise des conclusions de la Convention citoyenne en février 2023 : « Nous ferons un modèle français de la fin de vie. Nous y répondrons. Nous avons déjà des éléments irrécusables de convergence. Dans ce modèle français de la fin de vie, vous avez fixé des bornes… Vous avez souligné l’importance de la prise en compte et de l’analyse du discernement afin de garantir l’expression de la volonté libre et éclairée, que cette expression soit directe ou par des directives anticipées ou une personne de confiance… Vous jugez primordial que la condition médicale des patients présente le caractère d’incurabilité, de souffrances réfractaires, psychique et physique. Voire l’engagement du pronostic vital… Nous avancerons vers un modèle français de la fin de la vie et ce chemin sera irrémédiablement différent, car vous avez travaillé, échangé, décidé. Oui, quel que soit ce chemin, nous savons désormais qu’il est possible, et comment il doit s’arpenter : avec sérieux, avec scrupule, avec respect, en refusant les controverses et en acceptant, au fond, de vivre avec des doutes. »

VIF