Engagé dans un ambitieux projet de territoire, l’établissement connaît, comme beaucoup d’hôpitaux, de graves difficultés notamment en termes de recrutements. C’est pour les résoudre qu’un nouveau directeur général, Jean Pahlà, est arrivé en décembre 2024. Chaleureux et détendu, tout juste revenu d’une intervention au congrès des Fédérations de santé qualitative (FSQ), il reçoit VIF, en toute ironie, et pour un entretien tout à fait fictif.
VIF : Vous assuriez précédemment la direction de l’hôpital Da Vinci à Sainte-Écocratie. Belle expérience !
Jean Pahlà : Effectivement. Nous y avons fait un très important travail de changement. Appuyés sur l’expertise et le savoir-faire des équipes de Mc Quinsait, nous avons réussi à développer un vaste programme de maîtrise structurelle de nos profils RH et un plan pluriannuel de performances économiques et numériques. Nous avons, bien sûr, obtenu la certification de la Haute autorité de santé et avons été retenus comme pilotes du « virage territorial » par la Direction de l’offre de soins du ministère de la Santé.
Certes, notre ingénierie financière n’a pu combler le déficit d’exploitation structurel de l’établissement dans un contexte de tensions croissantes, mais je quitte un établissement dont les forces dépassent les faiblesses et qui, j’en suis sûr, trouvera la maîtrise de son destin.
VIF : Promu à l’hôpital Paul Malandrin, quelle situation découvrez-vous ?
Jean Palhà : L’hôpital est en grandes difficultés. J’arrive avec la mission de promouvoir les synergies et l’efficience pour promettre aux patients des trajectoires optimisées. L’hôpital manque de personnel, de lits et d’efficience. C’est pourquoi, dès mon arrivée, je souhaite mobiliser toutes les équipes pour qu’elles s’engagent dans un nouveau management vers des réorganisations qui s’imposent. À ma demande, l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements hospitaliers et médico-sociaux (ANAP) va intervenir pour y parvenir1.
VIF : Concrètement, pouvez-vous nous donner un exemple de vos projets ?
Jean Palhà : Volontiers. Vous le savez, les recrutements sont en berne notamment pour les infirmières ; l’ANAP propose des solutions « au cœur de la santé 2.0 ». Elle a publié le 16 janvier 2025 à la Une de son site une promotion « des 34 métiers de demain des établissements ». J’ai participé aux groupes de travail-expert et opté pour que l’ANAP intervienne à Paul Malandrin. J’y ai surligné nos choix prioritaires.
Ainsi, sur la question du parcours, voilà les nouveaux métiers : médiateur en santé, assistant au projet et parcours de vie, éthicien clinique, navigateur santé (ou intervenant pivot), accompagnatrice des premiers jours de vie, gestionnaire de soins ambulatoires. Sur le volet digital et intelligence artificielle, elle propose community manager, responsable plateforme et contenus numériques, architecte de données de santé, analyste en Internet des objets, super utilisateur (ou utilisateur clé), gestionnaire de flux robotique, infirmier en télésanté, gestionnaire d’hôpital virtuel. Sur le volet recherche clinique et innovation thérapeutique, elle propose responsable du laboratoire de fabrication numérique, ingénieur nanomédical, technicien d’impression 3D en chirurgie reconstructive. Concernant l’accompagnement de la transformation, elle propose enfin de créer des postes d’assistant médical, de designer hospitalier, de coach interne à l’hôpital, de conseiller en transition énergétique et écologique, d’attractivité et fidélisation, de responsable attractivité et fidélisation des infirmiers, d’assistant personnel d’installation, et enfin de consultant en recrutement.
VIF : Comment réagissent les équipes à ces objectifs ?
Jean Palhà : Nous prévoyons de créer 6 groupes de travail qui, chacun autour d’un pilote de l’ANAP2 et d’une lettre de mission, pourront, d’ici le mois de juin, jeter les bases d’un plan d’action solide et optimisé.
VIF : Une dernière question. Les urgences de Paul Malandrin sont surchargées ! Que faire ?
Jean Palhà : C’est une préoccupation majeure. Elle constitue d’ailleurs le thème de la réunion nationale de la Fédération des hôpitaux du futur (FHF) qui va se tenir pendant quatre jours à Saint Malo et à laquelle je me rends dès la semaine prochaine. Mais d’ores et déjà, la direction de Paul Malandrin a pris trois initiatives adaptatives. Pour les personnes arrivant aux urgences en attente, nous distribuons un « kit d’urgences » comportant notamment les références des liens virtuels avec la borne UIA (Urgences intelligence artificielle). La deuxième initiative propose l’accès au patient à la réservation des lits sur le territoire de santé, dans la mesure de la disponibilité bien sûr. L’ouverture des réservations pourra se faire jusqu’à cinq jours à l’avance. Enfin, et c’est très innovant, nous allons acquérir deux assistantes médicales automatisées qui pourront être disponibles 24h sur 24 pour répondre aux exigences du service public.
Propos recueillis abusivement par François Aubart
1) Créée en 2009, dotée d’un budget de 22 millions d’euros (équivalent à environ la rémunération annuelle chargée de 250 infirmières), l’ANAP dispose d’une petite centaine d’experts plein temps, agiles et perfectionnistes. Ils sont chargés de conseiller les établissements de santé sur les meilleurs moyens de suivre les méthodes qu’elle a elle-même élaborées. L’ANAP recrute et, pour ce faire, donne rendez-vous sur sa page « Welcome To The Jungle » sur son site web. Dans son rapport de mai dernier, la Cour des comptes a souligné la lenteur d’action de l’ANAP. À titre d’exemple, alors que la Haute Autorité de santé lui avait confié en 2012 une mission d’évaluation de la prise en charge des patients en ambulatoire, l’ANAP n’avait rendu son rapport qu’en 2018.
2) En 2014, la Direction générale de la santé (DGS) demandait à l’IFOP d’interroger les médecins hospitaliers sur leur identification des 15 principales agences de santé sous la tutelle du ministère de la Santé. Pour le panel d’hospitaliers de l’IFOP, l’ANAP est arrivée dernière. Cette agence créée dans la foulée de la loi HPST en 2009 était, cinq ans plus tard, inconnue. Mal ou méconnue en 2025 peut-être, mais très coûteuse sûrement.