Lors d’une cérémonie, le 1er février dernier à l’Oratoire du Louvre à Paris, la professeure Sophie Matheron a rendu hommage à Frédéric Edelmann, cofondateur de l’association Aides, puis d’Arcat-Sida.
Ton départ est une énorme émotion et une grande tristesse.
Je m’associe aux hommages magnifiques et si justes publiés ces derniers jours, que je salue, et je ne reprendrai pas ici le détail de ton parcours. Je voudrais juste te dire 2 -3 choses au nom de notre amitié, de mon respect pour tes combats, au nom aussi peut être de tous ceux qui les ont partagés.
Oui, tu as été pionnier et pilier de la lutte associative contre le sida dans ses multiples dimensions et dans ton exigence de compétences collaboratives, avec Aides puis Arcat-Sida.
Tu as aussi révolutionné le regard porté non seulement sur les personnes vivant avec le VIH, mais sur toutes les personnes malades, tu as bouleversé la place et le poids de leur parole, de leurs droits, de leurs avis, de leurs choix, de leur pouvoir, que ce soit dans le champ de l’information et de la communication, de l’accompagnement, du soin et de la recherche clinique, de la formation, des recommandations, de la prévention, des traitements.
Tu l’as fait en avançant comme un bulldozer sur un chantier, mu par une motivation et une générosité énormes, déterminées et efficaces ; mais silencieux, peu soucieux d’être dans d’autres lumières que celle de ton énergie, de ta ténacité, de la fidélité à tes engagements ; peu préoccupé du pouvoir, sauf celui de les concrétiser et d’en transmettre les clefs ou les outils.
Militant au fond de l’âme, courageux, drôle, pudique et ironique, même à propos de ce que tu as enduré, qui force le respect.
Sans une plainte qui ne soit motivée par la nécessité puis la détermination de faire bouger les choses pour les autres ou par la révolte de ne pas y arriver.
Jamais dans ta fatigue, dans le poids de tes multiples pathologies et des effets secondaires des traitements, tu n’as abandonné ni tes combats ni ta curiosité, ni ton goût des belles et bonnes choses, ni ton travail qui te passionnait, les voyages, la vie…. avec des efforts parfois gigantesques que tu minimisais toujours.
Tu as aussi révolutionné la place des personnes dans la relation avec leur médecin, leurs soignants.
En veut pour illustration tout le temps partagé avec toi, dans tes combats, comme bien d’autres acteurs, mais aussi en tant que ton médecin, quarante ans de complicité, de confiance et d’écoute bienveillante réciproques dans une relation attentive, chaleureuse, délicate et même équilibriste, car pas facile bien qu’évidente, intime tout en restant distancée, protégée, et d’une solidité à toute épreuve.
J’ai reçu l’invitation à te rendre hommage ici comme un message limpide de ta part, sur ces décennies de partage dans et contre le VIH, et sur la suite.
On a rêvé trouver une solution définitive contre le virus…. il y a encore du boulot… mais c’est possible. À la condition de préserver ce que tu laisses, de reprendre ton flambeau, celui de tes engagements, de ta force, de ta sagesse un peu folle, de garder ta mémoire, celle des partenaires de lutte associative que tu rejoins, et celle de ces quarante ans dont on peut certes fêter les victoires et les progrès, mais en n’oubliant pas que c’est fragile, que ce n’est qu’un début, et qu’il ne faut pas baisser la garde mais continuer le combat.
La page du tien est exemplaire et reste ouverte. De tout cela je te remercie, on te remercie, Fredo.
Sophie Matheron