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« Pas de réponse sur aide financière pour son fils autiste »…
Nous voilà au service courrier du conseil départemental de Seine-Saint-Denis. Chaque matin, durant trois heures, on ouvre les lettres reçues pour résumer le problème exposé. L’après-midi, elles seront distribuées dans des casiers, 70 environ, relevant de nombreuses directions, sous directions spécialisées du conseil. Les motifs de ces correspondances sont très larges et sont résumés en deux-trois mots clés par la direction des courriers. En un mot, on doit comprendre le problème. C’est quoi le problème ?
Lisons quelques intitulés : « Difficultés d’entreprise. En situation précaire. Fils autiste et époux sans emploi. Fournit son adresse quand il sortira de prison. Fille suicidaire dont le financement de sa formation a été refusé. Litige avec CAF. Refus de prolongation de contrat aidé. Non-renouvellement d’AAH et pas de réponse sur aide financière pour son fils autiste. Trop perçu CAF + précarité + époux sans travail. Blocage de ses droits et en quête d’emploi. Souhait d’un dirigeant du club de foot de jouer à nouveau sur les terrains de Saint-Denis. Est considéré comme mort. Reprise de la concession de ses parents. Demande de CMU et difficultés à régler ses impôts. Propos confus, met en cause l’honnêteté du maire. SDF recherche logement. Professeur en surendettement. Menaces de suicide. Femme dans la détresse ayant un passé de femme battue. Demande de logement social urgent suite à violences conjugales. Grand-mère appelant l’attention sur le statut de son beau-fils qui maltraite son enfant et insulte sa fille. »
Ce temple du « courrier de la misère », pour reprendre une expression entendue, rassemble tous les anonymes, les sans-grade qui tentent leur chance, les vieux et les malades, les handicapés et les vies brutalisées dans le silence. Chaque lettre formule un problème, une question, une protestation ou une détresse. Chaque lettre appelle à l’aide. Chacune fait appel contre une décision du maire, de Pôle emploi, de la Caisse d’allocations familiales, d’une institution locale…
Qu’il s’agisse de réparer une injustice, d’obtenir une aide matérielle, un logement ou un emploi, le prolongement d’un droit au secours ou d’une gratuité de transport, la lecture de ces « répétitions » forme de vrais continents de problèmes. Des problèmes sociaux, dit-on, du trivial, pour d’autres.
Or, ces anonymes réclament un soutien. Ils protestent. Ils s’expliquent. Ils forment un recours en appel en somme ! Nous sommes « au bord du droit » et dans le langage où il s’agit de soutenir « son bon droit ». Mais où faut-il aller pour être entendu ? Après avoir épuisé tous les recours administratifs, on écrit au tout-puissant ! C’est le sentiment d’injustice qui fait écrire.
Jean-François Laé
(avec un grand merci à David Goldzahl et Jonathan Deveyne, nos lecteurs)