Agnès Buzyn est sortie de son silence. Elle s’est défendue, dans le journal Le Monde, le 25 octobre, en chargeant fortement Emmanuel Macron et Édouard Philippe. « Non seulement j’avais vu, mais prévenu », a-t-elle martelé. Mise en examen pour sa gestion des premières semaines de l’épidémie de Covid-19, l’ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn affirme qu’elle a alerté dès janvier 2020 Emmanuel Macron et Édouard Philippe, mais qu’elle n’avait « pas l’impression d’être entendue ». Puis : « J’ai été, de très loin en Europe, la ministre la plus alerte. Mais tout le monde s’en foutait. » À propos de son départ du ministère pour mener la campagne municipale à Paris, elle lâche : « Je n’aurais jamais dû partir », ajoutant qu’« on (la) poussait au mauvais endroit au mauvais moment ». Jusqu’à sa défaite cuisante au second tour, elle aurait continué à alerter l’exécutif. Comme ce message le 10 mars, à Edouard Philippe, à qui elle enjoint « de tout arrêter, comme en Italie, le plus vite possible », prédisant que « ça va être la bérézina dans les hôpitaux ». « J’ai senti que je ne pesais plus rien et que je parlais dans le vide. Je n’étais plus aux affaires et on me le faisait sentir. »
Bref, elle aurait été presque… parfaite. Cette confession a fait réagir bon nombre de ses « collègues » médecins, dans la mailing list du professeur André Grimaldi. Dont celle d’Alfred Spira que nous publions avec leur accord :
« S’il y a au moins une chose qui est évidente concernant la gestion de la pandémie Covid-19, en France mais pas seulement, c’est bien la façon dont ont été malmenés la démocratie et les citoyens. Le Conseil scientifique avait très tôt alerté sur ce point.
Ne nous laissons pas enfermer et éventuellement instrumentaliser dans un pseudo-débat public entre les acteurs politiques, qui se parlent forcément entre eux par ailleurs. Agnès Buzyn, dans Le Monde, a avancé une argumentation sans apporter de preuve, ne reposant que sur sa représentation d’une situation sans verser au dossier auquel nous avons accès de faits nouveaux et vérifiables. Qu’a-t-elle produit découlant de sa « prise de conscience », quels actes vérifiables a-t-elle réalisés qui permettraient d’évaluer son argumentation ? Tout ceci ne peut aujourd’hui que relever de la justice, puisque des plaintes déposées ont été jugées recevables par cette dernière. Merci à la séparation des pouvoirs.
Les journalistes, Le Monde en particulier, servent de relais médiatique pour diffuser les sentiments de Mme Agnès Buzyn, sans aucun recul ni analyse critique. Personnellement je le regrette car nous réagissons forcément à ces prises de position qui nous interpellent. Et nous devenons ainsi acteurs d’une polémique dont nous ne connaissons qu’une infime partie.
Je pense personnellement qu’il nous revient de nous interroger sur le fond : pourquoi et comment cette pandémie, quels enseignements en tirer pour la suite, pour la science, pour la santé publique, pour la prévention ? En particulier en ce qui concerne la démocratie sanitaire. La concurrence entre les décideurs et leur défense est une autre problématique. »
Alfred Spira