Depuis 2015, les témoignages recueillis par l’Observatoire et défense des droits des usagers (Oddu-Paca) mettent des mots sur les discriminations dont sont victimes les personnes atteintes de pathologies mentales et les consommateurs de substances psychoactives, notamment dans le système de soins. Comme Chantal, 49 ans, atteinte de plusieurs pathologies, qui se bat pour obtenir une suspension de peine pour raison médicale.
« La spondylarthrite ankylosante est une maladie auto-immune, évolutive et dégénérative, je suis en perte d’autonomie totale. Les crises sont essentiellement nocturnes, je suis totalement ankylosée, seule ma tête bouge, je suis terrassée par les douleurs, en détresse respiratoire, épanchement bilatéral, problèmes digestifs, insomnies…
Traitements inefficaces
Côté thérapeutique, les anti-inflammatoires ne peuvent être associés à un traitement anticoagulant, je suis dans une impasse thérapeutique, et selon le rhumatologue, il est trop tard pour mettre en place une biothérapie. De toute façon, la thrombophilie ne le permet pas.
Les traitements se sont révélés inefficaces, les problèmes digestifs sont permanents, je n’arrive plus à gérer les douleurs, je suis épuisée par les nuits décalées, au rythme des crises, et je ne peux plus m’occuper de mes enfants.
Une connaissance m’avait parlé des bienfaits du cannabis, j’ai donc essayé, c’est très convaincant. J’ai pu dormir, les douleurs étaient tout à fait supportables, alors j’ai pris le risque de planter 10 graines dans mon jardin. Mais j’ai été dénoncée, et j’ai été condamnée à deux ans d’emprisonnement dont un ferme, sans antécédents et sans casier judiciaire. Aujourd’hui, je me bats pour obtenir une suspension de peine pour raison médicale. Je suis mariée et mère de 6 enfants !
Bienfaits confirmés
Mon médecin traitant a multiplié les certificats médicaux, attestant de l’évolution de ma maladie, certifiant que mon état de santé s’était amélioré, qu’elle avait supprimé les antalgiques (Tramadol® et Acupan®) et confirmant les bienfaits d’un traitement à base de cannabinoïdes, mais aussi que l’incarcération ou le port d’un bracelet électronique étaient impossibles. Rien n’y a fait.
Le procureur m’a dit qu’il refuserait un aménagement de peine en cas de refus de suspension de peine, parce que je ne reconnaissais pas être une délinquante. J’ai juste fait le choix de me soulager, de refuser de souffrir atrocement, en choisissant de vivre le plus dignement possible. Une première expertise a donc été ordonnée, qui a confirmé ma perte d’autonomie. Une deuxième expertise dit que mon handicap ne me permet pas d’être incarcérée, mais que je peux être placée en hôpital carcéral. J’ai donc demandé une contre-expertise, toujours malgré l’opposition du substitut du procureur, et j’attends ce nouvel avis. »
Isabelle Célérier