Un étonnant trio pour la grande cause nationale

L’affaire est bien lancée, la santé mentale sera bien la « grande cause nationale » 2025.

Illustration pour la grande cause

Tout se met en place. Au premier conseil des ministres d’octobre, la ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, a ainsi balisé le terrain. « La grande cause nationale 2025 s’articulera autour de quatre objectifs prioritaires : la déstigmatisation, afin de changer le regard des Français sur les troubles psychiques et les troubles mentaux ; le développement de la prévention et du repérage précoce, par la sensibilisation et la formation dans toutes les sphères de la société ; l’amélioration de l’accès aux soins partout sur le territoire français, par la gradation des parcours, le développement des nouveaux métiers de la santé mentale, en veillant aux soins des personnes les plus fragiles et présentant les troubles les plus complexes. » Michel Barnier a, de plus, annoncé vouloir doubler d’ici à trois ans le nombre de maisons des adolescents, qui sont actuellement 125 sur le territoire national.  

Parfait. Et cerise sur le gâteau, le Premier ministre a désigné trois personnes « pour incarner ce chantier » : Michel Lejoyeux, professeur de psychiatrie, Angèle Malâtre-Lansac, déléguée générale de l’Alliance pour la santé mentale, et Daniel Fasquelle, maire du Touquet (Pas-de-Calais) qui travaille sur ces sujets pour l’Association des maires de France. Un drôle de trio…

Le premier est un psychiatre, médiatique, chaleureux, qui a fait son nom et sa réputation sur des livres délivrant de sages conseils. Pêle-mêle, quelques titres de ses ouvrages : Tout déprimé est un bien portant qui s’ignore, ou encore La médecine du  bon sens, voire Les 4 saisons de la bonne humeur . Habile et charmeur, il  rend sympathiques nos névroses. Ce n’est pas rien. Sur la politique de santé mentale, il ne fait pas de faux pas, il défend le secteur, et quand il est interrogé à l’occasion d’un fait divers dramatique, il répond « avec bon sens » et prend soin de rappeler que la violence est majoritairement le fait des normaux sur les fous plutôt que l’inverse.  

Plus problématique est le choix de Daniel Fasquelle, maire du Touquet. Homme de droite, il s’était singularisé, comme député, alors que l’on était en plein conflit autour de la prise en charge de l’autisme, en portant un amendement demandant l’interdiction de la psychanalyse et de la psychothérapie pour les enfants autistes. « Il est de mon devoir de faire interdire la psychanalyse sous toutes ses formes dans le traitement de l’autisme », déclarait-il. Une prise de position, aussi bête que méchante, car en la matière, rien ne marche vraiment dans ces prises en charge, et le mieux est d’éviter de nourrir les guerres entre les différentes écoles sur la maladie mentale. « Des politiques qui décident ce qui est bon ou pas bon pour un malade, c’est du totalitarisme », notaient, inquiets, certains professionnels. Le voilà donc baromètre et un des visages de cette grande cause.  

Enfin, Angèle Malâtre-Lansac. Que dire d’elle ? C’est assurément une jeune femme brillante, déléguée générale de l’Alliance pour la santé mentale, structure purement formelle, créée de toutes pièces pour porter la santé mentale comme grande cause. Elle est sûrement dynamique, a longtemps travaillé à l’Institut Montaigne, think tank très néo-libéral, mais elle est surtout proche de la Fondation FondaMental, vaste et puissante structure de pouvoir qui défend que « la maladie mentale est une maladie comme les autres, qu’elle doit être dépistée le plus tôt possible, traitée puis guérie ». Angèle Malâtre-Lansac est ainsi sûrement efficace, lobbyiste qui un jour se bat pour tel dossier, et le lendemain pour un autre.  

Au final, ce trio est à l’image de ce concept de santé mentale, confus et déroutant, porté essentiellement par le monde bien particulier de la psychiatrie biologique. C’est ainsi, ils ont gagné le débat idéologique. Et aujourd’hui, on image tellement la scène, sur un coin de table, des membres de cabinets ministériels réfléchissant doctement, se prenant la tête pour concevoir le bon cocktail de gens : « Et toi, tu prendrais qui ? Oh, non celui-là n’est pas assez connu »… En tout cas, n’ont pas été choisis des personnes de terrain, ni des proches qui attendent des semaines pour avoir un rendez-vous. Et ne parlons pas des premiers intéressés, que nul ne songe à convoquer. 

Éric Favereau