Un coup d’A.P. dans l’eau

Siège de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (crédit AP-HP)

En poste depuis près de neuf ans, Martin Hirsch a démissionné de son poste de directeur général de l’Assistance publique–Hôpitaux de Paris (AP-HP). Si l’on peut certes s’interroger sur l’urgence ou l’opportunité de démissionner l’avant-veille d’un second tour d’élections à haut risque pour la majorité au pouvoir, il est surtout intéressant de le faire sur les raisons de son échec, car en novembre 2013, l’arrivée de ce médecin énarque, conseiller d’État, avait en effet suscité adhésion et espoir dans la communauté des soignants. On pensait qu’il aurait l’habilité, le réseau et l’expérience pour réformer en profondeur ce monstre hybride, remarquable tant par ses innovations que par ses pesanteurs, qu’était devenue l’AP-HP et ses plus de 100 000 salariés.
Or, il s’en va. Et sa lettre de démission ne dit rien. Rien des échecs, de leurs raisons, du bilan et des responsabilités. Comme l’analyse André Grimaldi (voir l’article suivant), sa lettre est conforme au modèle du « tout sauf moi », relayé par les autres directeurs d’hôpitaux. Aucun mea culpa, ni non plus la désignation des causes et des responsables. Que retenir de phrases comme « l’AP-HP ira bien quand elle aura réconcilié ses aspirations avec la réalité », ou encore « pour demander plus et mieux, il faut corriger nos propres défauts et nos propres faiblesses », ou enfin « il est parfois tentant de céder à certaines facilités », etc. ?

Son mandat n’a certes pas été facile : prolifération du carcan administratif, fermeture de 10 à 20% des lits, 1 400 emplois infirmiers vacants, endettement ayant dépassé les 3 milliards d’euros. Et il serait injuste d’oublier que de grands projets ont été menés sous la direction Martin Hirsch, mais la politique contre-nature d’aveuglement menée en France depuis vingt ans a enlevé bien des marges de manœuvre aux hôpitaux. Diriger quoi, alors ? Pourquoi ne pas avoir démissionné plus tôt si rien n’était effectivement possible ? Pourquoi continuer et faire semblant ? Comment aussi, en presque neuf ans, ne pas avoir réussi à redonner, ne serait-ce qu’un peu d’espoir, surtout quand on écrit : « L’APHP a des atouts considérables et il s’en faut de peu pour trouver une orientation positive » ?

C’est le mystère de l’administration de nos hôpitaux : diriger, mais pourquoi faire ?


Bernard Bégaud