À l’hôpital, la contention est un mot-valise, un mot pudique pour évoquer les moyens de limiter les mouvements d’un malade. L’archétype mécanique en est la « camisole » à laquelle ont succédé les sangles, les ceintures, les barrières et même les draps. La contention, ce sont aussi les médicaments pour « calmer » ou même immobiliser (sédater). La contention, c’est, enfin, la limitation d’espace et de liberté de déplacement, comme tenir une porte de chambre ou une fenêtre fermée.
Remettant potentiellement en cause les droits fondamentaux des patients, le sujet est une actualité très présente dans les hôpitaux. Bien souvent, elle ne fait écho qu’à la prise en charge de patients très agités en psychiatrie, ou désorientés en gérontopsychiatrie. Mais disons-le, la contention à l’hôpital est un recours présent dans la quasi-totalité des activités d’hospitalisation, en chirurgie, en réanimation, en gériatrie mais aussi en pédiatrie ou encore dans les différents services de médecine de spécialités, et ce le jour et la nuit. Bref, elle est très fréquente à tous les étages. Précisons !
Côté pile, la mise en place d’une contention de patients à l’hôpital est encadrée par le code de la santé publique et des règles éthiques et professionnelles (Haute Autorité de santé…) formalisées. Il s’agit de garantir la sécurité du patient tout en respectant ses droits et sa dignité. S’y ajoutent des règles éthiques et professionnelles précises. Exceptionnelle, la contention doit être justifiée par une nécessité impérieuse. Elle doit être proportionnée et temporaire. Enfin, et peut-être surtout, comme pour les peines pénales, la décision de contention doit être individualisée. Les indications « justifiées » de la contention portent sur la prévention des chutes graves chez des patients désorientés ou agités, la prévention de l’arrachement de dispositifs médicaux vitaux (sondes, perfusions), ou encore la prévention d’un risque immédiat pour le patient ou pour autrui.
Côté face, du fait notamment des situations de tensions dans les soins et de pénurie dans les équipes soignantes, on observe la multiplication des recours à des « protocoles de contention » préétablis. Ces protocoles tendent à banaliser l’indispensable analyse de la situation clinique et des risques individuels. Ils se substituent souvent à la prescription médicale individualisée favorisant nombre de transgressions invisibles.
Le nombre croissant de personnes âgées prises en charge dans les hôpitaux, homothétique du vieillissement de la population, complexifie les situations. De façon contre-intuitive, les personnes malades âgées ou très âgées sont en fait hospitalisées non seulement dans les services de gériatrie mais aussi dans tous les services de l’hôpital, en chirurgie comme en cardiologie, en urologie comme en médecine interne. En face, les manques dans les équipes (que l’intérim est loin de combler) rendent très tendu l’exercice soignant ; en face aussi, parfois, la fragilité des savoir-faire fait oublier ou rend impossible ou superficielle l’évaluation itérative de la contention, la surveillance renforcée et l’approche relationnelle avec le patient et sa famille par « manque de temps ».
La Haute Autorité de Santé recommande de limiter au maximum la durée de contention et d’évaluer régulièrement sa pertinence. Elle promeut la traçabilité et… elle organise des visites de certification. Mais quel est l’impact réel de ces audits internes et externes dont les visites de la HAS ? Quel impact réel des très nombreuses politiques, procédures et directions qualité dans les hôpitaux ?
Le sujet de la contention est lourd, il est difficile mais quotidien dans les hôpitaux. Il fait l’objet d’un important encadrement théorique. On peut résumer ces exigences, ces « recos » et ces règles en disant : la contention doit être une mesure exceptionnelle qui doit être encadrée par des prescriptions médicales et protocoles rigoureux. Les soignants doivent toujours privilégier des approches alternatives et garantir que la contention, lorsqu’elle est nécessaire, soit mise en œuvre dans le respect des droits et de la sécurité du patient.
Mais une autre réalité est fréquente derrière le miroir, les portes.
François Aubart