Comment on massacre la psychiatrie française
Psychiatre et spécialiste du volet médicolégal de cette discipline, Daniel Zagury est une personnalité attachante. Il aime son métier comme il aime les malades. Depuis près de trente ans, il promène son regard humaniste sur ces mystères sans fond de l’âme humaine. Y compris sur les grands fous, comme le raconte son livre sur « la barbarie des hommes ordinaires ».
Dans son dernier ouvrage, il décortique l’effondrement de la psychiatrie publique française. Un thème aujourd’hui devenu un cliché, où c’est à celui qui sera le plus catastrophiste dans l’analyse. Si les diagnostics sont souvent justes, ils ont pour conséquence de produire fatalisme et immobilisme. Que faire, puisqu’il n’y a plus rien à faire ?
Voici un extrait qui s’attaque à un autre cliché : tout le mal viendrait du fait que la psychiatrie n’est pas considérée comme une spécialité comme les autres, entraînant par là même exclusion et stigmatisation des malades. Mais est-ce si sûr ?
Une déstigmatisation qui s’avère stigmatisante
« L’idée que la psychiatrie est une discipline comme les autres est évoquée comme une façon de lutter contre toutes ces stigmatisations : populaire, politique, médiatique, et médicale. Est-ce efficace ? Sur ce point, toutes les études effectuées dans de nombreux pays convergent : c’est non. L’image de la maladie mentale demeure toujours aussi négative…
Comment comprendre ce paradoxe apparent ? On pourrait formuler ainsi la réponse : si les maladies mentales ont une origine exclusivement biologique, les sujets n’ont plus aucun contrôle sur leurs conduites. Ça leur échappe, ils n’en sont que plus imprévisibles et dangereux…
L’imprévisibilité, la dangerosité présumée et le caractère incontrôlables des conduites sont les réactions qui accompagnent la peur concernant les malades psychiatriques, qu’ils soient irresponsables pénalement ou non. Il n’y est pour rien. Protégeons-nous de lui le plus longtemps possible. Si les malades psychiatriques ont droit à la même considération que tous les autres, au même soutien de la communauté nationale, ce dont ils souffrent et les soins dont ils relèvent ne sont pas réductibles aux autres spécialités médicales. La démarche médicale circonscrit son objet, délimite un espace à l’intérieur duquel sa méthodologie est pertinente, vise la rigueur, mais l’opération a un reste. Et ce reste ne peut être considéré comme négligeable, sauf à amputer la psychiatrie d’une partie de sa richesse et de sa compétence. »
Éric Favereau
Comment on massacre la psychiatrie française, Daniel Zagury, éditions de l’Observatoire.