L’été 2022 ? Allons donc, il ne s’est rien passé.
On annonçait l’effondrement de l’hôpital public, sous les coups conjoints du Covid et de la pénurie de personnel. Eh bien non. Il est là, toujours là. Le ministre de la Santé est certes prudent, mais selon François Braun, « l’hôpital a échappé à la catastrophe annoncée cet été ». La pénurie de soignants faisait craindre le pire, mais « il ne s’est pas produit », affirme-t-il. Louant « l’investissement fort des professionnels sur le terrain, hospitaliers comme libéraux », il a relevé néanmoins « une augmentation des appels aux Samu de l’ordre de 20 % », preuve selon lui que la consigne officielle « d’appeler le 15 avant de se déplacer » a été suivie d’effet. Au ministère de la Santé, même son de cloche ; selon Le Monde, « il n’est pas question de crier victoire, nous restons très vigilants, l’été n’est pas fini. Mais l’effondrement qu’on nous avait prédit n’a, heureusement, pas eu lieu, et les mesures que nous avons déployées cet été vont pouvoir servir de point d’appui pour la prochaine étape. » On respire. Même si Libération a pu raconter l’histoire d’une femme, morte aux urgences où elle a patienté plus de sept heures. Même si le centre hospitalier Sud-Francilien de Corbeil-Essonnes a été victime d’une cyberattaque mi-août, le contraignant à stopper toute entrée. Même si, à 31 ans, la Dr Hiba Trraf porte à bout de bras la charge d’un service vide de médecins et pour la jeune cheffe du service pédiatrie du CH de Montluçon, « le rythme est devenu infernal et le risque d’erreur, trop lourd ». La mort dans l’âme, la pédiatre a ainsi annoncé son départ en novembre prochain.
Cet été ? Non décidément, il ne s’est rien passé.
Il y a bien eu la canicule, que dis-je, des canicules, mais aux dires de Santé Publique France, pas de débats. Cela a été dur, mais c’est passé. Alors que fin juillet l’Institut espagnol de santé publique arrivait à la conclusion que « durant le mois de juillet, l’Espagne avait enregistré une surmortalité de 1 047 décès qui peut être attribuée aux fortes chaleurs », en France, la récente vague de chaleur aurait seulement provoqué quatre décès au travail, selon les données publiées le 28 juillet 2022 par Santé Publique France. Quelle résistance, ces Français !
Reste que fin août, l’Insee a évolué. Notant d’abord que les trois épisodes de canicule de cet été avaient finalement provoqué des centaines de décès supplémentaires. « Le nombre de décès moyen par jour est en forte hausse en juillet. Il atteint (en moyenne) 1 750, après 1 610 en juin 2022 », dit l’Institut de la statistique dans sa dernière mise à jour sur le nombre quotidien de décès, que révèle Le Parisien. « Cette augmentation du nombre de morts s’explique vraisemblablement par la vague de chaleur survenue à la mi-juillet. » Mais prudent, l’Insee a ajouté que ce premier bilan est bien loin de celui de la canicule de 2003. Ouf… Et voilà que l’on apprend le 5 septembre que l’Insee a estimé finalement que la canicule est « vraisemblablement à l’origine de plus de 11 000 décès supplémentaires en France cet été ». Rappelons qu’en 2003, on avait évalué à 18 000 le nombre de morts liés à cet excès de chaleur…
Continuons. Sur le front du Covid, là aussi il ne s’est rien passé. L’épidémie reflue de partout (en dépit des annonces inquiètes du printemps de certains de nos experts), mais on ne sait toujours rien sur le profil des personnes âgées qui ne se vaccinent pas. Et comme à chaque été, nos responsables scientifiques font les mêmes prévisions, annonçant une vague prochaine. Ainsi, la toute nouvelle présidente du Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires, la professeure Brigitte Autran, a affirmé, dans Le Parisien du 16 août : « Le scénario le plus probable est celui d’un pic épidémique à la rentrée. Sera-t-il dû à un nouveau variant ou au retour du froid ? Nous ne sommes pas devins, mais il est quasi certain qu’il y aura une vague à l’automne. Aujourd’hui, il faut aller vers le vivre avec. Attention, cela ne veut pas dire accepter les morts ou la gravité de la maladie. Au contraire. Et pour les éviter, il reste des leviers à activer. Malheureusement, il y a encore trop de personnes non vaccinées ou non revaccinées. » Jean-François Delfraissy disait la même chose en septembre 2021. Bref, cela continue. Rien à signaler. Sauf peut-être cette étonnante étude menée par l’hôpital Necker et publiée par Le Parisien : « Le nombre de bébés secoués a doublé pendant le Covid-19 en région parisienne. La mortalité a été multipliée par neuf. »
Voilà. Pour le reste, il ne s’est décidément rien passé.
Les forêts ont brûlé, l’ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn a été nommée à la Cour des comptes, Brigitte Bourguignon, elle, à l’Inspection générale des affaires sociales. Il y a toujours autant de critiques sur le dispositif de vaccination contre la variole du singe, et au niveau mondial, l’Organisation mondiale de la santé « craint que les inégalités vaccinales se répètent comme pour la pandémie de Covid-19 ».
Plus généralement, dans le lancement du programme du Conseil national de rénovation, la Première ministre a parlé de « renforcer l’accès à la santé en intensifiant la lutte contre les inégalités sociales, géographiques ou financières en matière de santé, refonder le système hospitalier dans un logique territoriale afin de rendre les métiers de santé attractifs », mais aussi de « construire une société du bien-vieillir ». Et pour cela, « le gouvernement souhaite faciliter la possibilité de vieillir à domicile et faire des Ehpad des lieux plus sûrs et mieux médicalisés, ce qui passerait par une augmentation de 50 000 infirmiers et soignants pour accompagner les personnes âgées ». Pourquoi pas, mais où vont-ils les trouver ?
Enfin comme toujours en été, pas un mot sur l’été dans nos hôpitaux psychiatriques.
Bref, il ne s’est rien passé.
Éric Favereau