Les mots lus de René L., enfermé des deux côtés de la Méditerranée

René L. est né à Perregaux dans le département d’Oran, en mars 19191.  Il est fils de gendarme, d’une famille alsacienne installée en Algérie à la suite de la défaite de 1870, il suit une formation de tourneur.  

À partir de l’âge de 23 ans, il est hospitalisé de manière quasi ininterrompue dans différents établissements en Algérie coloniale, dont l’hôpital régional d’Orléansville et celui de Blida pour des troubles mentaux, relevant de la catégorie de la schizophrénie. En 1963, il est rapatrié avec plus de cent-cinquante autres malades, hommes et femmes psychiatrisés à l’hôpital de Blida, vers un hôpital en France, perdu au milieu de la campagne. Le certificat d’entrée précise : « Délire chronique de structure imprécise à thème hypocondriaque ». René L. demeure tout le reste de sa vie dans cette institution. Il ne semble pas avoir reçu de visites de sa famille à partir de son arrivée en Métropole. Célibataire, il remplit des carnets et dessine beaucoup, notamment des plans de villes et de maisons, et imagine des installations pour organiser des Jeux olympiques en France, qui feront l’objet d’une exposition au MUCEM, à Marseille, au printemps 2022. René écrit également de nombreuses lettres aux responsables de l’établissement, mais aussi au président de la République. Ces lettres manuscrites n’ont jamais quitté l’hôpital – elles furent consignées dans son dossier médical.  

Nous avons proposé aux comédiens David Goldzahl et Jonathan Deveyne d’en faire lecture. Lire les mots de l’autre, prêter attention à chacun de ses mots, les incarner dans une voix pour mieux entendre. Peut-être est-ce notre souhait, tout à la fois la proximité et la distance, que l’on entretient avec la parole des fous, leurs délires, disent les psychiatres. 

Lettre au directeur de l’hôpital
Lettre au Dr A.
Lettre au Premier ministre, Laurent Fabius
Lettre à François Mitterrand, président

Philippe Artières, David Goldzahl et Jonathan Deveyne

1) La date de naissance a été modifiée. Dans les textes lus, les lieux comme les noms des personnes mentionnés par René L. ont aussi été anonymisés.