En grammaire, la concordance des temps est l’accord des verbes, en mode et en temps, entre la proposition principale et la proposition subordonnée. Beaucoup plus riche, la langue politique s’affranchit souvent de cette contrainte pour occulter une situation gênante ou renvoyer une décision à plus tard sans paraitre hésiter le moins du monde, bien au contraire ! Citons à ce sujet le ministre de la Santé, François Braun, qui déclarait le 4 décembre 2022 sur la chaîne BFMTV : « Mon bras ne tremblera pas s’il faut décider l’obligation du port du masque dans les transports. » Un courage inflexible annoncé pour le futur quand, devant la flambée du nombre des contaminations par le coronavirus, la plupart des spécialistes de santé publique s’étonnaient que cette décision n’ait pas déjà été prise depuis plusieurs semaines, à l’instar de la plupart des pays européens.
Sur le même sujet, le 7 septembre 2022, Olivier Véran, lors d’un entretien au Parisien, reconnaissait « Sur les masques, nous nous sommes trompés ». Ici, la confession (courageuse et donc politiquement payante) vise à circonscrire l’erreur dans le passé, à refermer la page, et à éviter une discussion pouvant concerner le présent. Sujet glissant en effet puisque la gestion de cette protection essentielle reste problématique en France où les obligations ou recommandations de port se font, en général, quand la flambée épidémique est à son maximum… ce que le masque a justement pour but de prévenir.
Le procès en appel du Médiator® qui s’est ouvert le 9 janvier illustre ce mode de purification en circonscrivant une faute collective dans le caisson plombé de l’Histoire. Tout n’est que passé composé (et parfois recomposé), imparfait et plus-que-parfait. Comme si les connivences entre politiques et industries pharmaceutiques, les prescriptions injustifiées, les messages publicitaires et scientifiques biaisés et le désastre de la iatrogénie évitable avaient été l’apanage, dans un passé lointain, d’un seul laboratoire et d’un seul médicament. Imaginons un instant que l’on ouvre ce dossier au présent… quelle histoire !
Bernard Bégaud