
Mario Colucci est psychiatre, psychanalyste, directeur du Servizio Psichiatrico di Diagnosi e Cura (SPDC) du département des Addictions et de Santé mentale de Udine (Italie), un service de 15 lits maximum, situé dans l’hôpital général, qui doit assurer les interventions dans les cas d’urgence psychiatrique et les hospitalisations (volontaires et sous contrainte). Mario Colucci a longtemps travaillé à Trieste et est aussi l’auteur de nombreux travaux sur Franco Basaglia, notamment Franco Basaglia – Portrait d’un psychiatre intempestif, co-écrit avec Pierangelo Di Vittorio et traduit chez Erès en 2018.
Pour VIF, il a accepté de nous livrer sa réflexion sur la contention en prolongeant une série d’analyses publiées en décembre 2011 dans son article « Contention physique et fonction de contenant : notes pour une clinique de la négociation », paru dans Vie sociale et traitements (VST, n°112, décembre 2011, p. 23-28).

La question de la violence en psychiatrie est complexe et ne doit pas être simplifiée, surtout ne pas être uniquement ramenée à une question de sécurité du personnel soignant. Il faut repartir d’une interrogation honnête sur la qualité de l’accueil dans nos services de santé mentale, sur les ressources déployées et la disponibilité humaine, sur la cohérence de l’information proposée et sur l’opportunité des réponses. Il faut se demander combien de fois, face à un comportement dérangeant, nous avons offert à la personne et à l’équipe soignante d’autres plans de lecture, pas seulement celui du symptôme et de la détermination pathologique, mais aussi celui de la réaction à une situation existentielle et environnementale insupportable. Il faut encore se demander si nous avons resitué dans de justes proportions ce qui s’est passé et si nous avons été capables de considérer le jeu des agressivités respectives sans exagérer ce que, occasionnellement, fait le patient et sans omettre ce que l’institution, au contraire, fait quotidiennement. Souvent on néglige coupablement de dire que la violence, dans la majorité des situations, n’est pas agie par les personnes souffrantes à l’encontre du personnel soignant mais qu’elle est, au contraire, l’œuvre du personnel soignant, en particulier à l’intérieur des services psychiatriques fermés, sous forme de confinement et de pratiques de contention physique.
En Italie, on a essayé de contrecarrer la violence de la psychiatrie et d’éliminer ces pratiques coercitives humiliantes et traumatisantes : en effet, il faut rappeler que, grâce à l’extraordinaire saison de luttes pour la désinstitutionalisation menée dans les années 1960 et 1970 par Franco Basaglia (1924-1980) et de nombreux autres professionnels, la péninsule a été le premier pays au monde à avoir fermé les hôpitaux psychiatriques avec la loi 180 de 1978. Cela a entraîné la fin du paradigme de surveillance, qui avait inspiré la précédente loi de 1904 instituant l’internement en asile, et a permis aux professionnels et à la société de déplacer leur regard vers ce qu’on peut définir comme la responsabilité spécifique de la discipline : non plus l’obligation de contrôler la dangerosité attribuée à la maladie, mais le choix thérapeutique de prendre en charge la santé mentale de la personne souffrante dans le respect des principes d’intégrité personnelle garantis par la Constitution italienne. Celle-ci déclare à l’article 32 que « la République protège la santé comme un droit fondamental de l’individu et un intérêt de la communauté, et garantit la gratuité des soins pour les indigents. Nul ne peut être contraint de se soumettre à un traitement sanitaire déterminé si ce n’est en vertu d’une disposition légale. La loi ne peut en aucun cas violer les limites imposées par le respect de la personne humaine » ; et encore, à l’article 13, que « toute violence physique et morale à l’encontre des personnes soumises à des restrictions de liberté est punissable ».
Le Trattamento Sanitario Obbligatorio
Cependant, tout n’est pas allé pour le mieux : des violations graves de ces principes se sont vérifiées, au fil des années, pendant des circonstances dramatiques où des personnes ont trouvé la mort durant l’exécution d’hospitalisations sous contrainte à cause d’interventions inadéquates et fortement attentatoires à la liberté et la dignité de la personne. Cela parce que l’application de la loi 180 dans de nombreuses régions italiennes, a été un processus mal géré et accusant de lourds retards, qui a provoqué des terribles conséquences. Au contraire, il est vrai que là où il a été mené avec passion et intelligence, d’un côté en fermant les hôpitaux psychiatriques, de l’autre en construisant un réseau efficace et assertif de services communautaires, se sont créées des situations de soin respectueuses des droits de la personne souffrante : des droits concernant la santé et la citoyenneté, parmi lesquels celui de ne pas être soumis à des pratiques coercitives violentes.
Dans ces cas-là, on n’utilise jamais, pendant l’hospitalisation, la contention physique (entendue comme procédure mécanique servant à empêcher le mouvement, etc.), on n’attache jamais personne au lit et on ne ferme pas les portes du service psychiatrique. Ces situations ne sont pas nombreuses, elles ne sont pas présentes dans toute la péninsule et leur nombre a diminué au cours de ces dernières années : moins de vingt SPDC – sur quasiment trois cent vingt existants – sont no restraint et travaillent « à portes ouvertes » dans toutes les situations, même au cours d’hospitalisations sous Trattamento Sanitario Obbligatorio (Traitement sanitaire obligatoire, TSO), dispositif prévu par la loi 180 permettant une hospitalisation sous contrainte. La loi établit que les traitements sanitaires sont normalement volontaires. On ne peut pas proposer un TSO pour des raisons de dangerosité ou d’ordre public, mais seulement pour des raisons sanitaires dans les cas particuliers où trois conditions sont réunies en même temps : la présence d’un trouble psychique pour lequel une intervention thérapeutique est nécessaire et urgente ; l’absence de consentement aux soins de la part du malade ; l’impossibilité de soigner la personne en dehors de l’espace sanitaire (qui ne pourra plus être l’hôpital psychiatrique, que cette même loi a aboli). Le TSO est proposé et validé par deux médecins et ordonné par le maire de la ville, pour une durée de 7 jours, renouvelable si nécessaire. Mais, justement, ces situations existent et posent des questions urgentes à la plupart des autres situations où la contention et l’enfermement sont la routine, c’est-à-dire où le contact avec la psychiatrie peut se traduire, pour une personne, par une expérience qui laisse des souvenirs profondément douloureux.

Pas une nécessité mais un choix organisationnel
Je suis conscient que nombre de professionnels contestent cette charge. Ils sont confortés par la littérature internationale et la mise en protocole et justifient la contention comme étant un instrument thérapeutique parmi les autres, qui serait légitime dans des situations spécifiques dans lesquelles, notamment, il est nécessaire d’empêcher un patient de se nuire ou de nuire à autrui. Ces professionnels négligent la question des droits de la personne et les risques liés à la contention : rhabdomyolyse, lésions du plexus brachial, thrombose des veines axillaires, neuropathies par compression, insuffisance rénale, troubles du rythme induits par le stress, strangulation, etc. Surtout, ils ne considèrent pas que le confinement et la contention physique sont des expériences coercitives vécues comme des actes de domination, comme traumatiques, dont le souvenir négatif persiste pendant des années avec son cortège de rage, d’angoisse et d’impuissance.
Ces professionnels se déclarent offusqués qu’il faut en finir avec l’idée que ceux qui attachent et ferment les portes sont de « mauvais » professionnels. Il s’agirait d’une accusation qui serait le fruit d’une idéologie qui induirait par la suite un ressentiment et de l’agressivité chez les patients. Eux, ils exécutent uniquement des actes thérapeutiques et doivent être respectés. Ce qui est idéologique d’un côté et thérapeutique de l’autre reste clair pour moi : par ailleurs, quiconque étudie la médecine sait bien que, si l’on a expérimenté une méthode de soin qui fonctionne, par exemple celle du no restraint, c’est non seulement un devoir d’en être informé, mais il faut aussi l’appliquer. Personnellement, en plus de trente années de pratique, je n’ai jamais « contenu » personne ni fermé aucune porte, comme bien d’autres collègues. Aujourd’hui, en tant que directeur du SPDC à Udine, je continue avec mon équipe à opérer de cette manière, même lorsqu’il y a des hospitalisations sous contrainte. Il est possible de le faire et il ne s’agit pas d’une décision individuelle mais d’une dimension thérapeutique partagée, d’une évidence, surtout, attestée et vérifiable.
En d’autres termes, les professionnels qui se sentent qualifiés de « méchants » devraient cesser d’être négligents et tenir rigoureusement compte de ces expériences, internationalement reconnues, qui se développent en réalité comme bien d’autres, en présence des mêmes modèles psychiatriques et qui permettent, depuis des décennies, de ne plus appliquer, en aucun cas, le confinement et la contention physique. Les pratiques coercitives ne sont pas une nécessité mais un choix. Je le répète : il ne s’agit pas de choix individuels – il n’y a pas les mauvais soignants qui attachent et les bons qui écoutent – mais d’un choix organisationnel. Il y a des systèmes d’accompagnement psychiatrique qui sont structurés de façon telle à éviter la contention et d’autres qui ne le sont pas, se privant ainsi de la possibilité de négocier avec les patients et, pire, qui vont jusqu’à justifier la contention comme la conséquence naturelle de certains états pathologiques.
Une véritable « clinique de la négociation »
Pourquoi, dans certains cas, on arrive à ne pas attacher ou enfermer ? Ça ne sert à rien d’invoquer la spécificité du contexte environnemental, les situations psychiatriques critiques sont partout les mêmes. Cela a lieu aussi bien dans des structures citadines que rurales, au Sud, au Centre ou au Nord, avec des cultures locales différentes, parce qu’on a fait en sorte de ne plus se trouver dans une situation semblable. Cela a lieu parce qu’on est convaincu qu’il est possible de faire autrement et parce qu’on choisit de négocier à outrance, en sachant qu’on n’a jamais fait usage de contention dans le service et que – du moins le souhaite-t-on – jamais on ne le fera. On négocie avec le patient comme avec les autres acteurs du contexte, c’est-à-dire fréquemment avec les soignants des urgences et les forces de l’ordre, mais aussi avec les familles. On négocie parce qu’on accorde toujours une juste attention aux raisons de cette conduite perturbée et perturbante et parce qu’on a refusé de se décharger ou de déléguer à la « garde » ou à la « contention ».
Négocier signifie se mettre à l’écoute des raisons de l’autre – de l’autre qui demande, réclame, exige, qui parfois perturbe et offense, qui ne consent pas, qui est querelleur – l’autre qui, pour Franco Basaglia, représentait l’interlocuteur fondamental et premier, celui qui conteste, qui résiste à la discipline institutionnelle et qui fait valoir sa voix de personne à l’intérieur d’un système qui veut le réduire à un simple malade. En fait, nous sommes en train de parler d’une véritable « clinique de la négociation », qui se présente comme une recherche rigoureuse d’un chemin vers la résolution de la crise et le soin de la personne souffrante, dans le respect de sa dignité et de ses droits, à toujours opposer à des exigences de contrôle social et à des demandes de sécurité. Le refus de la contention part de la conscience que même un seul acte violent à l’intérieur d’un système thérapeutique complexe, comme un département de santé mentale, est à même d’annuler n’importe quelle forme de projet émancipateur et de ramener la question de la souffrance psychique sur le terrain de l’incompréhensible et de l’exclusion, rendant ainsi impossible la rencontre avec la personne.
Donnons un exemple concret : nous rapporterons le témoignage d’un psychiatre, Bruno Norcio, qui nous a quittés en 2017 et qui avait travaillé avec Franco Basaglia. Il était directeur du SPDC de Trieste : dans ce service est en vigueur la règle de la porte ouverte et il n’y a jamais eu de contention mécanique pour personne, quelle que soit la situation. Bruno Norcio rapporte l’histoire d’une femme de 26 ans avec de graves troubles de la personnalité de type borderline, avec des comportements sporadiques d’excès alcooliques, sans père et ayant des relations très conflictuelles avec sa mère avec qui elle vit. On parle là d’une patiente suivie depuis longtemps par le service de secteur et bénéficiant de programmes de soins de tous types : traitement psychotrope, psychothérapie, entretiens familiaux, insertion au travail et en groupes de socialisation… Elle présente toutefois périodiquement, à l’occasion de rencontres avec la mère, des crises d’agitation psychomotrice avec une composante agressive marquée, auto et hétéro agressive, et des impulsions destructives d’une violence intense. Le centre de santé mentale (CSM) de son secteur réussit souvent à prévenir et à gérer de tels épisodes, quelquefois cependant les forces de l’ordre interviennent et l’accompagnent à l’hôpital général. Au cours d’une de ces crises, alors qu’elle est accompagnée menottée par des agents de police, elle fut libérée sur indication du docteur Norcio et de son équipe et accueillie. La police partie, les tentatives de la tranquilliser et de lui offrir écoute et aide, faillirent. Elle chercha à s’échapper ; elle hurla ; elle menaça ; elle tenta de casser une vitre pour se tailler les veines. Le médecin et les infirmiers la bloquèrent et la tinrent fermement dans une « accolade » qui dura presqu’une heure, durant laquelle ils continuèrent à lui parler sur un ton calme et rassurant. Arrivèrent alors les soignants du CSM qui la connaissaient bien et qui l’ont aidée à reconstituer les événements de la journée et la dispute avec sa mère. Pendant tout ce temps, la porte est restée ouverte et la jeune femme ne fut jamais attachée. Dans la soirée, elle accepta de passer la nuit au centre de santé mentale et quitta l’hôpital. Cette procédure pour faire contenance que nous pouvons définir holding – dans l’acception de Donald Winnicott lors du fort et empathique soutien/accolade à valeur maternelle – n’a rien à voir avec la contention physique et a été dans ce cas particulier une alternative à celle-ci à valence thérapeutique sûre. Elle implique une participation forte des soignants, dans laquelle la corporéité est utilisée au service d’une relation de soin, pour éviter que cette relation soit interrompue par la violence et pour faire en sorte que la négociation puisse continuer. Si donc la contention physique, comme l’écrivent Anna Maria Burani et Luigi Tagliabue, « est une action qui peut faire abstraction de la dimension relationnelle parce que la contenance s’épuise dans les gestes automatiques pour attacher le patient, (…), alors que lorsque la corporéité enveloppe à travers une action de contrôle des impulsions violentes, on se fonde au contraire sur l’enveloppement émotionnel du soignant, qui devient avec sa propre personne « conteneur » (au sens de Wilfred Bion) des angoisses primitives du patient (celles qui vraisemblablement sont à l’origine du comportement violent) et, si nécessaire, avec sa personne « contient » la personne du patient ».
On est toujours responsable du contexte dans lequel on travaille
Par ailleurs, dès le milieu du XIXe siècle, cent ans avant l’introduction des psychotropes, l’expérience de John Conolly, dans l’hôpital de Hanwell en Angleterre, a démontré qu’une psychiatrie portes ouvertes et sans contentions était possible. Toutes les objections deviennent ainsi caduques, notamment les deux les plus fréquentes. La première concerne la carence en personnel : la nécessité de contenir naîtrait du manque de personnel soignant. Mais, en Italie, dans le passé, on a pratiqué la contention physique dans des asiles malgré la présence d’un grand nombre d’infirmiers et aujourd’hui, on ne la pratique plus dans certains lieux avec seulement deux soignants de garde. La seconde objection concernerait l’utilisation des médicaments : la contention physique servirait à éviter une contention pharmacologique. Mais la première n’exclut pas du tout la seconde et, très souvent, elles sont même utilisées toutes les deux simultanément. Et puis, il faut faire attention à ne pas mettre les moyens mécaniques de contention et les médicaments sur le même plan. Les premiers sont des moyens uniquement coercitifs, connotés par une longue histoire de violence, qui s’impriment dramatiquement dans la mémoire de celui qui les subit. Les seconds sont d’utiles instruments de soin qui doivent être utilisés à des fins et à des dosages thérapeutiques, et non pas exclusivement de sédation et qui ne sont pas toujours et nécessairement connotés négativement dans la mémoire de la personne souffrante, à l’égal des traitements pharmacologiques dans le cadre des autres spécialités médicales. Par ailleurs, l’affirmation selon laquelle là où on n’utilise pas de moyens mécaniques de contention physique, on administre des doses plus importantes de médicaments, n’est pas vraie. C’est même souvent le contraire : dans les milieux psychiatriques où il y a une culture de l’accueil et du respect de la personne, les dosages pharmacologiques sont sensiblement plus bas qu’ailleurs.
Utiliser la contention relève d’un choix, souvent dicté par le contexte dans lequel on se trouve à opérer. Mais là est le problème : on est toujours responsable du contexte dans lequel on travaille. Si on n’a pas adopté de stratégies d’organisation, de coordination, de prise en charge adéquates, la contention risque d’être le fruit empoisonné résultant d’une histoire de répression psychiatrique ordinaire qu’on n’a pas voulu corriger auparavant. Nous parlons de la persistance de ces institutions pour lesquelles la négociation comme outil fondamental permettant de construire une relation thérapeutique, et donc de soin, fait totalement défaut. Nous parlons aussi de la persistance d’une mentalité de la part des soignants qui voient chez le soigné un malade privé de droits, à mettre au lit, en pyjama.
Le travail de santé mentale dans la communauté est toujours un travail sur un double registre, celui, diagnostique et clinique, de la maladie et celui, éthique et politique, de la condition du malade. On ne peut jamais séparer ces deux niveaux, sinon au prix d’un tragique appauvrissement de sa propre action thérapeutique. Cela signifie que, dans la relation avec l’autre, il faut s’émanciper de la psychiatrie quand elle propose des schémas prédéfinis de contrôle qui ne laissent pas de place à l’expression d’un désaccord et qui ne permettent pas de mettre en question les rôles traditionnels de pouvoir.
Négocier, cela signifie dynamiser le soin comme une « pratique de liberté » qui survit à l’étincelle du « processus de libération » ; car comme Michel Foucault le déclare en 1984 dans un entretien intitulé « L’éthique du souci de soi comme pratique de la liberté », republié dans les Dits et écrits, si ce processus est nécessaire pour briser ces états de domination dans lesquels les rapports de pouvoir sont figés et les sujets rendus incapables de les modifier, toutefois ce processus ne nous dit pas de quelle façon réguler les relations qui s’instaurent aussitôt après. Pour cela, il est sceptique quant à la question générale de la libération, quand celle-ci ne se présente que comme un processus révolutionnaire qui entend libérer une nature ou un fond humain restés enterrés sous un pouvoir répressif. Il est plutôt intéressé à comprendre si des pratiques de liberté fondées sur une éthique du « minimum de domination » vont se mettre en place, c’est-à-dire sur une « juste mesure » dans l’exercice du pouvoir sur l’autre, qui configurent le si précieux « art de ne pas être excessivement gouvernés ».
Franco Basaglia avance dans la même direction : ainsi au lendemain du vote de la loi 180, il ne renonce pas à son attitude critique, même devant un bon modèle technique conquis après un processus de libération, car il est conscient que la satisfaction devant les résultats atteints – une organisation du soin devenu plus humaine, une dimension thérapeutique finalement retrouvée, la promotion des valeurs de citoyenneté à travers l’inclusion sociale – fait perdre de vue « la fonction normalisatrice implicite de tout intervenant en psychiatrie », et donc la nécessité de continuer à suspendre sa tendance à la domination et les abus de la raison thérapeutique pour permettre la libre expression d’un différend de la part de l’autre. Pour produire, en définitive, rien d’autre que de la démocratie.
Mario Colucci