En reprenant aux mots près ceux d’Agnès Buzyn à son arrivée avenue de Ségur, le nouveau ministre de la Santé semble bégayer une saison de la série L’hôpital en enfer. Ce professionnel reconnu dans le champ de la médecine d’urgence a été envoyé au front des urgences hospitalières. La commande a été claire : gérer la crise de la porte d’entrée de l’hôpital. En début d’un quinquennat difficile, ce marronnier estival depuis des décennies ne doit pas enflammer les esprits et les Unes. Souhaitons que les 41 propositions du rapport Braun, immédiatement validées, aident à passer l’été. Mais il est inquiétant de ne faire figurer aucune évocation, même allusive, à ce qui est la cause première de l’engorgement des urgences : le désengagement de la médecine libérale de la permanence des soins.
Plus important encore, le choix de prioriser la gestion de crise des urgences hospitalières pour entrer dans le sujet hospitalier le réduit à un trompe-l’œil. Il permet d’ignorer l’essentiel : la crise de gestion de l’hôpital dans son ensemble. Car le mal est terrible. Ce que de trop nombreux intervenants résument en un « manque de lits d’aval » dessine une institution au bout du rouleau. L’hôpital est gangréné par une administration technocratique, anémié par le désenchantement des soignants, dispersés en même temps que les équipes médico-soignantes qui en ont fondé la valeur ajoutée. Les échanges du Ségur de la santé ont souvent été explicites sur l’impérieuse nécessité de refonder les responsabilités, assurer les financements et redonner aux équipes stabilité, envie et reconnaissance.
Voilà donc un nouveau ministre de la Santé et… de la prévention. Sans remettre en cause le professionnel, on peut s’interroger sur sa capacité à porter rapidement les indispensables mutations de la médecine libérale liées à l’Assurance maladie, les mutations de l’hôpital soumis à la technostructure et aux cabinets de conseil, à porter la prévention qui reste trop souvent incantatoire, à soutenir et promouvoir la santé publique en temps de pandémie d’aujourd’hui et de crises de demain.
François Aubart