Soyons direct, le programme du Nouveau Front populaire sur les questions de santé est pour le moins succinct. Cette dissolution fut bien sûr une surprise pour tous. Et de ce fait, nos politiques ont eu peu de temps pour s’y préparer. D’autant qu’une vieille habitude persiste à gauche, à savoir une grande pauvreté pour définir une politique de santé.
D’abord, un constat. C’est donc l’arrêt du débat parlementaire sur la fin de vie médicalisée, projet repoussé aux calendes grecques, et qui, selon les procédures législatives, devra recommencer de zéro. Rien ne dit qu’il repartira de sitôt. Et l’on peut s’étonner que dans le texte de 24 pages du Nouveau Front populaire ce sujet ne soit pas abordé. Le seul sujet sociétal traité par la gauche est la volonté d’établir « la filiation par reconnaissance comme principe par défaut, rembourser la procréation médicalement assistée (PMA), et la rendre accessible aux personnes trans ». Des mesures dont l’urgence n’est pas évidente.
Autre dossier à l’abandon, la loi vieillesse. Le mois dernier, le gouvernement Attal entendait finalement ne pas reprendre la promesse faite d’une loi de programmation sur ce sujet. Aujourd’hui, nul n’en reparle. La gauche annonce qu’elle lancera « un plan grand âge, qui passera notamment par une rénovation des Ehpad, et la formation des professionnels du secteur ». On peut noter un silence assourdissant sur le type de modèle que les futurs pouvoirs publics souhaitent pour prendre en charge les personnes âgées dépendantes. Ehpad ? Domicile ? Habitats alternatifs ?
Maintenant, quid des dossiers purement santé qui attendent le futur ministre du Front populaire ? Retenons trois volets mis en avant dans le programme.
L’hôpital, d’abord : le Nouveau Front populaire affiche des souhaits, avec, parmi les mesures urgentes à mettre en œuvre, la promesse d’organiser une « conférence de sauvetage de l’hôpital public afin d’éviter la saturation pendant l’été ». Dans ce cadre, il propose de revaloriser le travail de nuit et de week-end pour les personnels hospitaliers. Plus généralement, est évoqué l’engagement d’un plan pluriannuel de recrutement des professionnels du soin et du médico-social (médecins, infirmiers, aides-soignants, personnels administratifs) et de revalorisation des métiers et des salaires. Idée largement partagée, mais encore faut-il des moyens et un climat pour relancer l’attractivité de ces métiers-là, ce qui ne se décrète pas.
Ensuite, l’accès aux soins et les déserts médicaux. C’est évidemment un dossier prioritaire, et depuis quelques années, il est devenu un jeu de dupes, lieu d’effet d’annonces répétées et pour la plupart sans effet réel. Le Nouveau Front populaire dit vouloir briser cette impuissance généralisée en proposant quelques mesures autoritaires, ainsi celle de « réguler l’installation des médecins dans les déserts médicaux et rétablir des permanences de soin des soignants libéraux dans les centres de santé ». Mais aussi de « conditionner l’ouverture des cliniques privées à la participation à la permanence de soins et à la garantie d’un reste à charge zéro ». Idées courageuses… Encore faudra-t-il arriver à les faire passer dans un monde de la médecine libérale qui se dit farouchement opposé à toute obligation.
La pénurie des médicaments, enfin. Cela s’aggrave. Agnès Buzyn, toute première ministre de la Santé de l’ère Macron, a beau avoir promis monts et merveilles, son plan lancé en juillet 2019 avec 28 mesures s’est révélé timide et inefficace. Aujourd’hui, la situation est mauvaise. Il suffit d’aller dans n’importe quelle pharmacie hexagonale pour être impressionné par la liste de médicaments qu’elles n’ont pas. Le Nouveau Front populaire propose de « créer un pôle public du médicament avec un renforcement des obligations de stocks ». Plus généralement, le Nouveau Front populaire dit vouloir « engager un plan de reconstruction industrielle pour mettre fin à la dépendance de la France et de l’Europe dans les domaines stratégiques », dont les médicaments. Comment faire ? On attend les suggestions.
Reste… le reste. Pas un mot sur la santé mentale, ni sur la pédiatrie en effondrement, ni sur la question santé-environnement, ni sur les mesures pour faire progresser la « démocratie sanitaire ». À la décharge des uns et des autres, le temps a manqué, mais il reste déroutant de voir combien l’axe de la lutte contre les inégalités de santé n’est jamais mis en haut des priorités par les partis de l’arc républicain…
Il existe quand même une nouveauté de bon aloi. Et c’est une très bonne nouvelle. Le Nouveau Front populaire « entend faire adopter un plan d’action “zéro mort au travail” », qui passera par le « rétablissement des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) », mais aussi « l’embauche d’inspecteurs du travail et de médecins du travail » ainsi que « la mise à jour du tableau des maladies professionnelles en intégrant notamment le burn-out ». En France où la médecine du travail s’effondre, ce serait, alors, tout sauf anecdotique.
Éric Favereau