Donner la parole à… C’est le point de départ de l’aventure de VIF, partant du principe – en reprenant les propos de Daniel Defert, fondateur de l’association Aides – que « les malades ne sont pas le problème mais une partie de la solution ».
Certes, mais après ? Comment le mettre en actions (ou en paroles) ? On l’a vu avec le scandale autour des Ehpad : plutôt que de recueillir la parole des résidents, on a fait parler les directeurs, les politiques, les professionnels. Faut-il, dès lors, susciter des témoignages ? Tendre le micro ? Faire un pas de côté pour éviter la seule parole des experts ?
À VIF, nous rencontrons ces difficultés. Par exemple, lorsque l’on essaye de rendre compte du malaise autour de la psychiatrie, les premiers intéressés vont se retrancher et ce sont les psy qui parlent. Comment recueillir la parole de ceux qui se taisent ? Comment entendre ceux qui ne croient plus en la vertu de l’échange ou de l’écoute ? Comment écouter ceux qui se replient, comme atteints par les tourments de la vie ? Bref, comment donner un peu de visibilité à tous ces petits bouts de silence ?
Dans cette livraison de VIF, nous avons voulu approcher ces questions, et regarder ainsi les impasses dans lesquelles se trouve le monde trans pour parler et défendre leurs existences, leurs droits aussi.
Nous avons interrogé un sociologue, Emmanuel Beaubatie en transition lui-même, sur la place du chercheur. Nous avons demandé à Françis Carrier, militant de longue date dans le milieu sida et fondateur de GreyPride, pourquoi il se refusait à parler « à la place de ». Nous avons questionné une responsable associative trans, Béatrice Denaes. Et nous avons également l’analyse de Marie Gutowski, coordinatrice de l’Observatoire et défense des droits des usagers sur les difficultés à témoigner.
Tous soulignent l’urgence de ne pas parler à la place.
Paradoxalement, ce débat s’inscrit vingt ans après le vote de la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades. Nous y reviendrons prochainement. Cette loi, en tout cas, a ouvert des brèches, donnant ainsi accès libre au dossier médical. Cristallisant la notion d’autonomie du patient. Cette loi, largement impulsée au départ par les associations de malades, portait alors des valeurs universelles.
Aujourd’hui, vingt ans plus tard, les associations d’usagers de la santé sont souvent atones. Elles gèrent des acquis, voire des situations corporatistes. D’autres existent, mais on ne les entend pas. Les unes comme les autres se repliant souvent sur leur quant-à-soi. La belle notion d’autonomie aurait-elle perdu, en chemin, son pendant collectif ?