Des vieux et vieilles, sortis des cartons

C’est une exposition déroutante, sans mot, que présente notre ami Philippe Artières, à l’occasion du festival « Nous sommes là ».  « Des photos, trouvées au fond des cartons des vendeurs de photographies vernaculaires, des dizaines de portraits collectifs ou individuels orphelins. On sait qu’ils pourraient être nos ancêtres mais à de rares exceptions – « Paul, Lourdes, 1937 », « Tante Lice, Vernon 8.20 », « Madame Vernoux » –, il n’y a pas d’indications manuscrites au dos des tirages. Pourtant, chacun des visages nous regarde », nous explique-t-il dans un texte d’introduction.

Dans cette étrange collection, des photos d’identité, séparées de leur support d’origine : un passeport, un permis de conduire, un permis de chasse. Parfois, le tampon a laissé quelques signes à peine lisibles qui ne permettent pas d’identifier la langue utilisée. « Je ne me suis rendu compte de rien au début, car je cherchais un air de ressemblance familiale. Puis cela m’a sauté aux yeux, comme une évidence : toutes ces femmes et ces hommes avaient un point commun, ils étaient vieux. Ces portraits étaient tous ceux de personnes âgées. Je ne m’étais jamais posé la question de savoir comment on photographiait les aîné.e.s. » Puis Philippe Artières note : « Toutes ces personnes forment un ensemble bien que, sans doute, beaucoup ne se soient pas connues ; certain.e.s devaient avoir été frère et sœur, cousin et cousine, enfants et parents, mais ce qui les lie n’est pas ces filiations, ce qui les unit, ce n’est pas eux mais notre regard sur ces portraits : les vieux sont au fond de la boîte, au bord de la tombe. On ne les regarde déjà plus. »

Ce qui n’est plus tout à fait vrai, à notre grande surprise, lors de cette exposition.

Des histoires particulières

L’exposition de photos, au rez-de-chaussée, en angle de l’ancien bâtiment du siège de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris, n’est pas une exposition de photographes, mais de photographies chinées, trouvées, dénichées au hasard de rencontres. D’anciens clichés des années 1920 aux années 1980, en noir et blanc et en couleur.
Sur un mur, sur une ligne horizontale, sont présentées des photos noir et blanc petit format qui ont vraisemblablement été prises par des photographes ambulants dans les années 1930-1940.

Le métier de photographe ambulant est apparu, ainsi, à la fin du XIXe siècle. Ces artisans pratiquaient essentiellement leur activité dans les foires et les fêtes foraines. Mais dans les années d’entre-deux-guerres, des photographes ambulants proposaient aussi leurs services en allant de villes en villes et villages pour photographier les personnes chez elles.
Cette pratique a suscité un style particulier de la photographie de portrait, moins académique que la photographie en studio.

Les photos témoignent ainsi d’une période passée et d’une histoire sociale. On peut lire des histoires particulières à partir de ces images. Car les photos, ici, ne sont pour la quasi-totalité pas datées et le lieu où elles ont été prises n’est pas précisé. Ce qui ouvre le champ à l’imagination personnelle.

Pascal Forcioli