
Tokyo, 2 novembre
Hier à l’université de Tokyo, se tenait un colloque sur les cinquante ans de Surveiller et punir de Michel Foucault. La première session portait sur la situation au Japon en matière pénitentiaire. Une chercheuse japonaise a relaté que beaucoup de personnes âgées se retrouvent en prison. Indigent.e.s, elles volent dans les supérettes de quoi manger ; arrêtées, elles sont condamnées à des peines de prison car les juges estiment la précarité et la vieillesse comme des facteurs favorisant la récidive. Certaines, souvent des femmes, se font aussi incarcérées volontairement, le niveau de vie derrière les murs étant plus élevé qu’à l’extérieur. En rentrant à mon hôtel, je découvre en effet un article sur le site de CNN à ce propos.
Ce matin, je demande à un ami de m’expliquer le système de retraite au Japon, alors qu’on estime que près de 40% de la population japonaise aura plus de 65 ans en 2030. C’est un système comme en France, par répartition. On peut percevoir sa pension retraite à partir de 65 ans, on cotise toute sa vie dans le cadre de son travail en entreprise, et on perçoit une pension proportionnelle à ses cotisations – d’un minimum de vingt-cinq ans. Les montants de retraite étant trop faibles pour vivre, les Japonais sont obligés de compléter leur revenu par un salaire et donc, par l’emploi. 60 ans est un anniversaire important : l’entreprise peut décider de vous déplacer vers un nouveau poste de responsabilités moindres et vous verser un salaire jusqu’à 40% inférieur à celui que vous aviez à 59 ans.
Ce soir, nous allons au supermarché. À l’entrée du parking, un homme nous organise le stationnement ; quand il approche, je découvre qu’il a au moins 75 ans. Plus tard dans la soirée, nous sortons dans quartier de Shibuya et ses célèbres passages piétons. La foule qui va de magasin en magasin est très jeune. Ceux qui organisent le ballet des autobus, tout habillés de tenue clignotante, sont là aussi des « retraités ». Nous passons dans une librairie, cet ami me montre une collection qui propose des livres selon son âge. Il y en a pour les centenaires.

Philippe Artières