C’est une tâche, c’est une honte, c’est surtout inutile. Elle comme l’isolement qui l’accompagne sont depuis près de vingt ans une pratique extrêmement courante dans les services d’hospitalisation de psychiatrie publique, mais également parfois et en toute illégalité dans les Ehpad et les autres lieux pour personnes âgées.
En finir avec la contention… Car il s’agit d’un retour en arrière, d’un retour à des pratiques asilaires d’un autre temps. Ceci va à l’encontre de tous les progrès thérapeutiques dans l’accueil et les soins, qui ont marqué la psychiatrie dans son ensemble dans les années 1970 et 1980, avec l’épanouissement de pratiques humanistes, et d’ouverture sur la cité, inaugurées dans l’immédiat après-guerre et développées à partir des années 1970.
En finir avec la contention… Certes, des psychiatres et même certaines associations de psychiatres se sont empressés, pour la justifier, de la qualifier de « traitements, de thérapeutiques », utilisant une novlangue : « chambre de soins intensifs » ou « chambre d’apaisement », pour renommer ces cellules d’isolement. Certes, le niveau de tolérance en milieu « hospitalier » vis-à-vis des manifestations d’agitation, d’agressivité de personnes en souffrance psychique, voire somatique, est devenu particulièrement bas, rejoignant une atmosphère de rejet, d’intolérance de l’autre qui s’est installée dans le paysage social urbain tout comme dans les campagnes. Certes encore, la mise en place d’une gestion bureaucratique des soins depuis le début des années 2000, associée à une pénurie de soignants, à des budgets contraignants, a favorisé le recours à l’isolement et à la contention par des équipes soignantes à bout, épuisées, déboussolées.
En finir avec la contention… Devrions-nous rappeler que le geste historique qui avait donné lieu à la création de la discipline psychiatrique, moment fondateur de libération impulsé par Jean-Baptiste Pussin, « surveillant des aliénés » aux alentours de 1793, appliqué par Philippe Pinel à la fin du XVIIIe siècle, est représenté dans un tableau historique : Le docteur Philippe Pinel libérant les fous de leurs chaînes.
Mais voilà, la contention est là, banalisée, rentabilisée. En 2015, le 9 septembre, une pétition lancée à l’initiative du Collectif des 39 contre la Nuit sécuritaire et Quelle hospitalité pour la folie ? sur le thème « La sangle qui attache tue le lien humain qui soigne » avait pourtant recueilli près de 10 000 signataires. Mais rien n’y a fait… On peut entendre toujours, ici ou là, certains praticiens argumentant qu’« il y a tout de même des situations extrêmement dangereuses, des patients extrêmement violents des soignants qui se font agresser ». Oui, il existe des situations complexes où un patient doit être calmé au besoin. Un accompagnement thérapeutique au cours duquel une présence de deux ou trois soignants pendant un long moment auprès de la personne agitée peut être particulièrement efficace. Un patient, même attaché pendant un court moment, peut retrouver le calme grâce à cette présence contenante, grâce également à une thérapeutique médicamenteuse adaptée à la situation pathologique. Les soignants peuvent trouver des paroles simples, adaptées au contexte, adaptées aux paroles mêmes de la personne, en lien avec ce qu’elle a pu dire, avec les éléments qui ont conduit à l’hospitalisation, à ses conditions qui l’ont conduit à l’hôpital. Si ces soignants sont dans une disposition d’esprit qui témoigne de leur présence pour recueillir sa parole, ils peuvent trouver des paroles d’apaisement et d’analyse du moment paroxystique. Bien évidemment, cet accompagnement sera possible si ces soignants ont pu avoir une formation qui prenne en compte l’attention, l’écoute, et l’analyse du contexte institutionnel et du transfert, de la relation. Les budgets de formation doivent être impérativement réorientés !
En finir avec la contention… Car cela nous obligera, tous, à changer nos pratiques, à inventer des gestes et une présence hospitalière. Il est grand temps, dans le mouvement actuel de défense et de respect des libertés publiques, de mettre fin à cette dérive des pratiques contraignantes.
Paul Machto