Le Contre-salon des vieilles et des vieux qui s’est déroulé mi-novembre à Paris a été un moment exceptionnel. Exceptionnel par l’affluence, mais aussi par la qualité des discussions qui se sont tenues dans les ateliers. Comment, dès lors, transformer cette réussite en quelque chose de plus pérenne qui permettra d’écrire ce mouvement naissant ?
Même si plus de 2 000 personnes sont venues pendant ces 3 jours, il faut, en priorité, rappeler et faire comprendre que vieillir n’est plus un naufrage, mais doit être aussi une lutte. Un combat. Une lutte pour que notre société puisse prospérer et prendre en compte toute la diversité de nos âges. Au même titre que la transition écologique, la transition démographique est un chantier que nous n’avons pas encore ouvert. Bien sûr, on nous en parle, à coup de mesurettes qui occultent les enjeux auxquels nous devrons faire face, et la discussion actuelle de la loi sur le « bien-vieillir » est l’illustration de la politique des petits pas… Car globalement, cela ne bouge pas. On n’aime pas les vieux. La vieillesse reste le contre-point des valeurs portées par notre société qui ne rêve que de vitesse, de nouveauté, de changements… Certains auront de l’empathie, proposeront des palliatifs, mais au final, on décide tout pour eux.
De fait, une société qui n’aime pas les vieux ne peut pas créer un environnement bienveillant pour eux. Et en cela, elle est aidée par le fait que les vieux, bien souvent, n’aiment pas les vieux. À tel point que l’on désigne souvent les autres comme vieux, et que l’on a toutes les difficultés du monde à soi-même s’identifier comme vieux. Cette « vieillophobie » généralisée rend impossible une réflexion sur la place de la vieillesse et les solutions à inventer. La vieillesse reste l’école du silence et de la soumission. Inexorablement, nous perdons peu à peu notre libre arbitre et la possibilité de faire entendre nos choix. Encore aujourd’hui, les injonctions que l’on nous martèle d’anticiper, d’adapter son logement, de prévoir le financement de notre dépendance, se font sans prendre en compte nos choix personnels, mais en nous disant que nous devrons nous soumettre aux décisions prises par de grands technocrates qui ont tout prévu pour nous.
La piste de l’empowerment
Le Contre-salon a ouvert une piste : celle de l’empowerment, c’est-à-dire la possibilité d’imaginer l’avenir et l’environnement dans lequel on souhaite vieillir. Retrouver le pouvoir sur sa vie est la première étape qui va nous permettre d’élaborer ensemble les politiques publiques qui nous concernent ! De la soumission, nous devons passer à l’émancipation.
Cette expérience, forte, bienveillante, pleine d’espoir, riche de solutions, nous devons la diffuser et faire comprendre aux vieilles et aux vieux que le déni de la situation les prépare au pire et que la solution que nous portons d’une vieillesse active, consciente, solidaire est le préambule à tous les changements sociétaux. Créer des petits CNaV un peu partout est donc le premier objectif que nos devons nous fixer. Nous devons faire grandir cette foule du contre-salon, pour ne plus être seuls et penser collectivement. Nous sommes dans le temps de la discussion, le temps de l’éducation, de la prise de conscience. Notre vieillesse, nous devons la tordre, la remuer, la rincer, et en extraire ce qui nous aidera à vivre et vieillir : notre expérience de la vie.
Cette étape franchie, nous pourrons, alors, sans aucun doute nous pencher sur les nécessaires transformations et politiques à mettre en place. Car les enjeux de la transition démographique ne nous concernent pas seulement, ils touchent toutes les autres générations.
Quelles sont les nécessaires solidarités à mettre en place ? Où sont les équilibres budgétaires et les ressources à trouver pour que le vivre ensemble ne se fasse pas au détriment des uns ou des autres ?
Il n’est bien sur pas facile d’être vieux, mais il faut que cela devienne aussi une chance et une ouverture pour toute la société.
Francis Carrier