
Si Claude Malhuret a eu l’heureuse idée de comparer Trump et sa cour à Néron, nous savons tous ce que le tyran romain a fini par faire de sa capitale, sans compter toutes les exactions commises dans son empire. Nous assistons là, toutes proportions reconsidérées, à un phénomène équivalent de l’autre côté de l’Atlantique, avec un président fou qui incendie le monde entier.
Je sais bien qu’on ne peut psychologiser, voire psychiatriser, les comportements des personnages politiques sans insérer ces réflexions dans une analyse politique plus générale, mais à l’inverse, il apparaît aujourd’hui troublant d’entendre et de lire d’innombrables commentaires de politique générale qui cherchent un sens aux actes insensés de Trump sans jamais les voir mettre au compte d’une pathologie psychiatrique avérée. Il n’est que de le voir et de l’entendre prononcer et montrer ses arrêtés signés dans le Bureau ovale pour éprouver le sentiment d’assister au spectacle d’un enfant rageur qui, après avoir accompli de nombreuses bêtises, lève les bras victorieux en tenant bien haut la dernière d’entre elles, comme le signe de sa toute-puissance infantile prenant le pas sur les faibles fonctions limitantes de ses pauvres parents, dépassés par tant d’incontinence pulsionnelle. Cette dérive mafieuse devient obscène lorsqu’il prononce un apparent discours, construit de bric et de broc, dans lequel se succèdent les idées sorties tout droit de son inconscient sans passer par une instance qui leur donneraient un semblant de cohérence, et qui finit toujours par dériver vers une accusation désignant un de ses très nombreux ennemis imaginaires qui, les pauvres !, découvrent dans le même temps qu’ils sont devenus de réelles puissances hostiles, et qu’ils vont devoir le payer très cher. C’est ce qu’on nomme en psychopathologie une identification projective pathologique, qui consiste à rendre responsable les autres de ses propres maux, et, partant, à leur appliquer la loi du Talion. Et non pas une fois en passant, mais en permanence. À cet égard, les rapports que ce grand malade entretient avec le courageux président ukrainien sont éclairants : « C’est bien sa faute s’il en arrivé là, et en plus, il ose demander de l’aide aux Américains qui n’en ont plus les moyens. » En revanche, le même mauvais joueur est prêt à renouer avec un des autres grands malades de notre planète pour « faire du business ». Si ce n’était aussi tragique, on croirait assister à un nouveau film de Tarantino ! Or, dans l’histoire de l’humanité, un des grands progrès a été le dépassement de cette première justice rudimentaire basée sur les rapports de force par l’acceptation d’une loi pénale, fondatrice d’un Droit reconnu par tous. Nous voyons en direct comment ce président s’éloigne à marche forcée de ces avancées civilisatrices internationales, non seulement celles du Droit, mais également celles de la science, de la protection de la planète, des aides humanitaires, de la santé…
Bien sûr, Néron n’était pas entouré de psychiatres, encore que Sénèque pût en être un de qualité s’il avait compris assez tôt l’ampleur des dégâts à venir. Mais Trump vit, lui, dans un pays dans lequel les psychiatres ont réussi ce tour de force qui consiste à supprimer les structures pathologiques et à les remplacer par des catalogues de symptômes qu’il suffit de cocher pour trouver le bon diagnostic à partir des troubles du comportement : le DSM V (Diagnostic Statistic Manual V).
Mais bon sang ! Qu’attendent ces psychiatres pour effectuer leur travail et nous rassurer sur la bonne santé des Américains qui commencent, pour une partie d’entre eux seulement, à découvrir l’énormité du problème Trump et des conséquences en chaîne, non seulement sur leur pays, mais également sur l’ensemble de notre monde ?
J’ai vu dans ma vie professionnelle de nombreux malades suivis en psychiatrie pour des comportements beaucoup moins dangereux pour autrui que cela !
Pierre Delion
(Professeur émérite de pédopsychaitrie)