La santé mentale s’offre une bougie de plus

Affiche de l’exposition « Figures du Fou » au Louvre

Bonne nouvelle, la Grande cause nationale 2025, labelllisée « Parlons santé mentale ! » est prolongée. « À l’issue d’une réunion de travail, le gouvernement a décidé de prolonger en 2026 la Grande cause nationale 2025, labellisée “ Parlons santé mentale !” », a expliqué le Premier ministre. Et pour cause… Aux dires de Matignon, la mobilisation a été massive : « Plus de 3 000 événements organisés dans toutes les régions, plus de 900 actions labellisées et un engagement inédit des associations, des professionnels, des collectivités, des familles et des patients, sous la coordination du ministère de la Santé et avec l’implication de toutes les administrations ». Et donc, « l’objectif est d’aller plus loin : renforcer la coordination interministérielle, amplifier le soutien aux familles, aux associations et aux territoires, et poursuivre l’élan collectif qui a émergé en 2025. Cette nouvelle phase doit se traduire par des actions plus concrètes et plus visibles pour les Français. L’année 2026 aura ainsi pour priorité de faire de la santé mentale une réalité tangible dans la vie quotidienne de chacun. [] La France a commencé à changer son regard sur la santé mentale. La prolongation de cette grande cause nationale doit désormais permettre d’amplifier ce mouvement pour que la santé mentale ne soit plus jamais perçue comme une option mais comme une évidence », conclut notre Premier ministre.
Mauvaise nouvelle, pas une fois le mot psychiatrie n’est ainsi cité, pas une fois les difficultés de prise en charge des malades ne sont évoquées, ni les six mois d’attente pour tout entretien dans un centre médico-psychologique (CMP), ni l’abandon de moyens dans les hôpitaux psychiatriques, ni la solitude des patients qui trouvent portes fermées. L’air de rien, la santé mentale a ainsi pris tout l’espace, elle devient comme une coloration de l’air du temps, sorte d’aspirine pour supporter les petits aléas de la vie.

Bonne nouvelle, l’amendement sénatorial 159 proposant de mettre fin au remboursement par l’Assurance-maladie de « tout soin, acte et prestation se réclamant de la psychanalyse ou reposant sur des fondements théoriques psychanalytiques » a finalement été retiré à la mi-novembre. Est-ce la pétition lancée par le milieu analytique qui a fait reculer cette étonnante mais récurrente proposition ? Exit, en tout cas.
Mauvaise nouvelle, mi-décembre, on va discuter d’un nouveau projet de loi qui vise à étendre, cette fois-ci sur tout le territoire, le nombre et l’importance des centres experts. Le texte justifie cette orientation en avançant la promesse d’une économie annuelle de 18 milliards d’euros, fondée sur l’hypothèse d’une réduction de 50% des jours d’hospitalisation pour les patients ayant consulté dans ces centres. Rappelons que les centres experts en psychiatrie ont été créés en 2007 par la fondation privée FondaMental, très liée à la psychiatrie pharmacologique, et ils se sont progressivement étendus pour couvrir, en 2025, 54 structures « dédiées aux troubles bipolaires, à la schizophrénie, à la dépression résistante et à l’autisme adulte ». Dans le projet, il est noté que « l’accès tardif aux soins ne garantit ni une prévention satisfaisante, ni une prise en charge spécialisée par pathologie, ni une prise en charge des comorbidités somatiques conduisant à une mortalité prématurée pour les patients concernés ». Bref, que le secteur psychiatrique, fer de lance de l’organisation en France, ne répond pas aux besoins.

Bonne nouvelle, les centres experts sont donc – et on l’ignorait – magnifiques d’efficacité : vous y allez, vous attendez, vous ressortez avec un diagnostic et parfois même un traitement. Que demander de plus ?
Mauvaise nouvelle, dans une étude publiée en mai dans la très sérieuse revue Social Science Medicine – Mental Health, des chercheurs et des médecins ont mis en évidence l’inexactitude de ce chiffre de 18 milliards d’économies. Et pointé l’usage « trompeur » de données scientifiques à des fins de communication. Diable, qui croire si l’on ne peut plus croire les centres experts ?

Peut-être que cette année nouvelle de Grande cause nationale va, au final, nous apporter de nouveau des bonnes nouvelles ? Ou bien des mauvaises ? Allez savoir, il se peut qu’elle ne nous apporte, comme cette année, rien de très neuf, ou alors la confirmation d’un air du temps qui pourrait devenir inquiétant avec cette « santé mentale » qui nous plaît de moins en moins.

Éric Favereau