Chacun y va à pas comptés. Surtout le plus lentement possible. Surtout que rien ne bouge. Ainsi, l’État qui n’arrive pas à nous sortir une loi grand âge par peur d’ouvrir la boîte de Pandore concernant les dépenses publiques. Le monde médical qui n’arrive pas à mettre le patient âgé au centre du dispositif. Les financeurs qui veulent chacun conserver leurs prérogatives. Le secteur privé qui voit son modèle financier en difficulté et qui fait appel comme d’habitude à la puissance publique pour le sauver. Les vieux qui ont du mal à prendre part aux discussions concernant la prise en charge de leur vieillesse.
À l’heure où nous avons besoin de créer une prise en charge de qualité qui réponde aux besoins d’une population vieillissante en forte augmentation, il semble urgent de ne pas bouger. Il y a pourtant des idées simples à mettre en place. En voilà quelques-unes pour commencer.
1 – Minimiser les changements de lieu de vie
Nous savons que le changement d’habitat est un traumatisme pour chacun de nous. Un seul changement d’habitat serait souhaitable. C’est au lieu de vie de s’adapter en termes de services en fonction de la perte d’autonomie des personnes et non pas aux personnes d’être transférés d’un lieu à un autre.
2 – Harmoniser les formations et la montée en compétences des intervenants au domicile
La crise des vocations des métiers de l’aide à domicile ne sera soluble que si on les revalorise. Pour cela, il faut faire en sorte que les formations initiales soient identiques pour tous les intervenants et que progressivement, une montée en compétences puisse être assurée pour rendre des services globaux aux personnes. Par exemple va-t-on continuer à faire intervenir 3 personnes pour donner les médicaments, faire la toilette et prépare le petit déjeuner ?
3 – Coordonner le suivi médico-social
Les méthodes de travail doivent changer et la gestion horizontale doit permettre la responsabilisation des intervenants (cela existe aux Pays-Bas). La mise en place d’intervenants uniques dans une zone géographique en charge des aspects médicaux et de l’aide au domicile doit permettre de suivre les évolutions de la perte d’autonomie et d’adapter les services aux personnes en termes d’heures et de compétences.
4 – Mettre en place une médecine privilégiant le confort du patient aux logiques curatives agressives
On a souvent la sensation que la médecine continue de fonctionner de façon identique quel que soit notre âge. Pourtant, notre capacité à supporter les traitements, les déplacements, la souffrance change lorsque nous vieillissons. Ces éléments doivent être pris en compte dans les soins que l’on nous propose.
5 – Prévenir pour conserver son autonomie le plus longtemps possible
Des méthodes simples de maintien en forme doivent permettre de conserver son autonomie le plus longtemps possible. Gym douce, kiné doivent accompagner les vieux dans leurs difficultés à se mouvoir et à garder leur équilibre. Cela doit permettre de repousser la nécessité d’un accompagnement pour les gestes du quotidien.
6 – Redéfinir les missions des établissements d’accueil type Ehpad
Les missions actuelles des Ehpad doivent être revues à l’aune des attentes des vieux.
Réserver ces lieux aux personnes en situation de dégénérescence cognitive avancée, en lieu de répit pour courts séjours, en lieu de fin de vie pour soins palliatifs, en centre de ressources pour structures alternatives ou au domicile, en tiers-lieu…
7 – Développer des habitats alternatifs avec une mise en place de centres de ressources communs
La mise en place de petites structures de vie affinitaires est un changement acceptable pour beaucoup de vieux. Pour cela, une vraie politique d’aide à la mise en place de ces établissements doit être adoptée afin de répondre aux attentes. Le tout-domicile n’est pas jouable à qualité d’accompagnement égal.
8 – Contrôler financièrement les établissements et scruter leur optimisation fiscale
Le secteur vieillesse n’est pas un marché comme les autres puisqu’il vit grâce à l’argent public qui y est déversé. Il semble donc tout à fait logique que l’État ait la capacité de surveiller son utilisation des fonds et ses méthodes fiscales. On ne peut pas tolérer qu’un groupe puisse faire de l’optimisation fiscale en cachant ses bénéfices dans des paradis fiscaux.
9 – Harmoniser les financements
Le système actuel est à la fois inégalitaire et chaotique car il ne permet pas d’anticiper les ressources réelles. Pourquoi les financements changent-ils en fonction des départements ? Pourquoi les aides publiques ne s’adaptent-elles pas aux ressources afin de permettre à chacun quels que soient ses revenus de payer les frais d’un établissement ? De même, ne faudra-t-il pas imposer des prélèvements de solidarité pour que les vieux les plus riches participent plus que les autres ?
Tout cela est possible. Encore faut-il lutter contre nos vieilles habitudes, les corporatismes et les intérêts financiers. Et que les citoyens vieux ou futurs vieux se mobilisent et fassent pression pour que les pouvoirs publics se saisissent du dossier et bousculent un peu les scléroses du secteur.
Francis Carrier