Le VIH aurait pu détruire ma vie, Aides m’a permis de la dépasser

Les 40 ans de Aides à la Maison des métallos

J’ai aujourd’hui 70 ans et comme l’association Aides, cela fait quarante ans que j’ai rencontré le virus du sida. Une histoire qui aurait pu être tragique mais elle m’a porté vers des rivages inconnus.
Quand j’ai rencontré Daniel Defert pour lui proposer de m’occuper de l’informatique de l’association, je n’imaginais pas à quel point cela allait changer mon destin. Rue du Bourg-l’Abbé, premier local de Aides, j’ai rencontré mon mari, Gilles, mais aussi Leila la routarde, Véronique animatrice d’un club de vacances, Jackie rescapée d’un camp de la mort, et tellement d’autres avec lesquels nous avons partagé nos vies, nos espoirs et nos drames.

Ils m’ont appris.

Beaucoup sont morts, je suis toujours là : rescapé ? survivant ?
Aujourd’hui, le VIH est une de mes pathologies parmi le lot des maladies qui arrivent souvent avec la vieillesse. Je ne vais pas m’en plaindre : je ne suis pas une victime ; au contraire, cela reste une victoire !
Mes engagements ne sont pas morts et tant que je peux, je continuerai.

Aujourd’hui, c’est la vieillesse qui m’intéresse. Je suis un vieil homo séropo, toujours fier de l’être ! Cette fierté qui m’a permis de dépasser les préjugés sur mon orientation sexuelle, le rejet dû à ma séropositivité, je dois la mettre aujourd’hui au service de la vieillesse ; pour lutter contre les discriminations que subissent les vieux.
Quelle fierté me direz-vous ? La fierté d’être vieux ? Non, c’est le fait de dire haut et fort qu’il n’y a aucune honte à être un vieux, une vieille.
Nous ne devons pas nous résigner à l’injustice et au rejet ; je veux peser de tout mon poids pour mieux vieillir sans être mis au banc de la société ou considéré au mieux comme un simple objet de soin.

La lutte pour le respect de mon identité est en fin de compte le combat de ma vie. Que je parle d’orientation sexuelle, de séropositivité ou de vieillesse, je parle de choses qui à la fois me caractérisent mais auxquelles je ne veux pas être réduit.

À l’occasion de la plaque qui vient d’être déposée à côté du bar Le Duplex à Paris, pour célébrer les 40 ans de Aides, j’écris ce petit témoignage pour dire à Daniel à quel point je lui suis reconnaissant de nous avoir réunis pour qu’ensemble, nous puissions nous dépasser et réaliser que rien n’est impossible.

Francis Carrier