Le CNaV, une bougie et après ?

Le CNaV, toujours en colère

Quel bilan, quel avenir ?
On en débat au Patronage laïque Jules Valles à Paris, ce 7 novembre à partir de 18h.
Francis Carrier, un des quatre fondateurs du CNav, regarde le chemin parcouru.

La parole des vieux

C’était et cela reste notre premier objectif : « Rien sans les vieux pour les vieux ». Un an après, le verre est à moitié plein. Nous avons réussi à faire émerger une parole originale, une parole identifiée, mais elle reste ténue, en tout cas pas assez forte pour permettre de modifier des comportements qui sont inscrits depuis longtemps.
Il n’empêche, nous avons réussi à rassembler des gens, plusieurs centaines de vieux. Ils sont venus à La Cartoucherie, puis dans les ateliers que nous avons faits – l’un sur le logement et le prochain sur la mobilité –, ils n’ont pour la plupart aucune culture militante, mais ils sont venus, pour parler et avancer sur des thèmes qui ne sont pas très sexy et sans qu’il y ait d’urgence. De ce point de vue, c’est une réussite.

Orpea

Le scandale d’Orpea, allons donc ! Que va-t-il se passer ? Ces scandales ne changent pas grand-chose, il faudrait que le cours de la bourse s’effondre pour que la société s’en inquiète.
Le fond du problème – à savoir la maltraitante des vieux – reste marginal. On s’en moque, ou plutôt on regarde cela de loin. On nous regarde avec commisération, et on passe à autre chose. Il reste une telle distance de la société vis-à-vis de la vieillesse. Les vieux restent à la marge, on les plaint, on nous observe de façon triste, se disant « les pauvres », sans s’imaginer que c’est de nous qu’il s’agit. C’est comme la famine dans le Sahel : c’est loin, si loin.

Les politiques

Nous avions ce projet : la création d’un collectif. Un an plus tard, on dirait qu’il existe de façon virtuelle. Lorsque l’on écoute ainsi le ministre, il reprend mot à mot ce que l’on a dit, la nécessité d’être entendu, écouté, mais dans les faits, il ne se passe rien, tout cela reste formel. Nous avons le sentiment que le ministre a repris la terminologie du CNaV, comme de la peinture mise sur un mur mais le mur ne bouge pas.
Au CNaV, nous le savons, ce ne sont pas les politiques qui changent le monde. Dans les démocraties, ce sont les mouvements de société qui font bouger, impulsent, transforment. Il serait aberrant de penser que les politiques sont des précurseurs, ils suivent. À nous de tenter de construire ce mouvement…Tout cela prend du temps. Quand j’ai créé Grey Pride, il a fallu dix ans pour que la vie intime des vieux émerge et prenne de l’importance, et aujourd’hui, les Petits Frères des pauvres s’en saisissent et ont enquêté sur le sujet. C’est long, tout cela évolue lentement, et il reste toujours aussi difficile de faire des vieux un sujet heureux. La vieillesse reste enfermée dans un monde sombre, honteux, même parfois repoussant. C’est notre objectif travailler sur les représentations, toujours sombres de la vieillesse.

Des surprises ?

J’ai découvert un paysage autour des politiques de la vieillesse bloqué, figé, ou plutôt administré par des intérêts qui ne sont pas les nôtres. Nous évoluons dans un univers aberrant, où le fonctionnement n’est pas normal, où les sociétés commerciales – autour des Ehpad mais plus généralement la Silver Economy – sont beaucoup trop pesantes et puissantes. Ce sont elles qui définissent notre paysage, et nos attentes restent aux abonnés absents. On nous fait croire que les stratégies de ce monde commercial correspondent aux attentes des vieux. Mais dans quel monde vit-on ?

Des projets ?

Pour 2023, nous avons un projet : donner et créer un espace aux vieux, un lieu qu’ils n’ont pas. Nous allons monter un « contre-salon ». Il s’agit de montrer qu’il y a des lieux, des objets, des projets que nous, vieux, pouvons développer. Il y a des services que l’on veut, d’autres pas. Il faut ainsi casser l’idée inexorable que l’on va terminer nos vies en Ehpad. Eh bien non, il y a d’autres façons d’habiter, d’être soigné, de vivre. C’est ce que l’on va tenter de mettre en scène dans le « contre-salon des vieux ».
Aujourd’hui, la vieillesse continue de commencer dans la confusion, puis elle se poursuit dans la soumission et se termine dans la disparition.
Pour éviter au préalable la soumission, il faut éclaircir le message, éclaircir ce paysage. Il y a une place qui nous attend.

Francis Carrier

https://www.cnav-demain.fr/