Et si on donnait une présence aux portails numériques…

Comme je l’ai fait plusieurs fois dans ma vie, j’ai changé de véhicule. J’ai donc vendu mon ancienne voiture et j’en ai racheté une d’occasion. Auparavant, je me rendais avec ma carte grise barrée, un justificatif de domicile à la préfecture pour obtenir la nouvelle carte grise. Aujourd’hui, direction le Portail Carte Grise.

Payer quelqu’un pour le faire à notre place
Dans mon historique des mails, je retrouve ainsi pas moins de 23 mails envoyés par ce site. Lorsque vous faites la demande, vous devez remplir et scanner une dizaine de documents. Des documents que les services de l’État ont bien sûr en leur possession, comme un avis d’imposition ou de taxe d’habitation pour justifier de son domicile… Mais non, on vous redemande le tout de façon très précise. À tel point qu’une erreur d’une lettre ou d’une virgule sur votre adresse a pour conséquence le rejet du document transmis. J’ai dû échanger une dizaine de fois pour parvenir à ce que ma demande soit acceptée pour vérification…
Le temps ayant passé, j’ai reçu ma carte grise à mon domicile, en recommandé au moment où j’étais parti en vacances… Après avoir fait une procuration pour récupérer le précieux papier, je continue de recevoir des messages du portail pour re-re-re-confirmer que c’est bien moi qui ai récupéré ladite carte grise…

Outre le fait que sans un ordinateur, un smartphone équipé d’un appareil photo et une aisance pour manipuler les fichiers, il faut beaucoup de constance pour arriver à ses fins, j’ai failli abandonner plusieurs fois en me demandant si ce n’était pas le travail d’un mandataire… que j’aurais dû rémunérer pour faire cette tâche. Car, oui, il existe une solution face aux difficultés que l’État dresse devant vous : il nous offre de payer quelqu’un pour faire ce travail à notre place… On inverse la situation : je vous rends incompétent et vous payez un supplément à un tiers.

Portillons qui ne veulent pas s’ouvrir
Autre exemple, mon voyage Intercités avec la SNCF. Plusieurs changements de trains, des Ouigo, des Inoui, des Intercités, et une réservation faite par un tiers puisque on m’offrait ce voyage.
Aujourd’hui, les maîtres-mots sont ordre et contrôle ! Je reçois tous mes billets dans un mail et je dois me débrouiller pour faire apparaître au bon moment le justificatif ad-hoc. Première difficulté : les portillons qui se sont généralisés sur tout le réseau. À quoi servent-ils, si ce n’est à créer une embûche supplémentaire lorsque l’on est chargé et que l’on n’arrive pas à faire valider ce QR code par le scanner du portillon ?
Heureusement, habituée aux difficultés rencontrées pas ses passagers, la SNCF a prévu des contrôleurs qui aident à ce passage… Retrouver sa place, être recontrôlé, ne pas retrouver le bon billet avec le bon QR code… et miracle : « Pouvez-vous me donner votre date de naissance ? » Et le contrôleur exhibe fièrement mon nom avec ma photo sur son smartphone amélioré. Ainsi, on sait tout de moi, on sait où j’habite, on sait où je vais, on a ma photo, et on continue à me demander des titres de transport et à me faire subir des portillons qui ne veulent pas s’ouvrir…

J’ai bien sûr oublié d’évoquer les difficultés que vous aurez aujourd’hui si vous voulez prendre un billet de train sans être équipé d’une connexion Internet, d’une imprimante, d’une carte bleue, d’un smartphone…
Depuis longtemps, les guichets de gare et les relais SNCF ont fermé. Cet exemple montre à quel point la numérisation n’apporte aucune facilité, mais crée au contraire des obstacles pour avoir accès à un service aussi simple qu’un trajet en train.

Pour quelque raison que ce soit, je dois pouvoir faire valoir le fait que je n’ai pas accès aux services Internet et que je veux avoir un échange physique avec un personne pour répondre à mes demandes. Ce droit d’accès doit rester effectif afin de permettre l’universalité de l’accès aux droits fondamentaux, au même titre que l’accès physique aux bâtiments pour les personnes vivant avec un handicap.

La première mesure que je proposerais est d’imposer par la loi à tous les services de l’État et aux entreprises de prévoir à leur frais des accès particuliers pour obtenir les mêmes services que les portails numériques pour ceux qui n’y ont pas accès.

Il faut aussi simplifier les procédures pour justifier de son identité et des droits associés. Dès l’instant où l’on stocke l’identité d’une personne, on n’a plus besoin de lui réclamer sans cesse les justificatifs de voyage, d’accès à des services…

Francis Carrier